lundi 19 juillet 2010

Lueur d'espoir - Episode 6


J’emboite le pas de Khenzo qui m’emmène vers le fond du hangar. Une jeune femme aux cheveux blonds et turquoise est allongée sur une paillasse. Tout son coté gauche est recouvert de sang. Son t-shirt a été découpé au niveau de l’épaule et un bandage sommaire essaye de tenir le rôle d’un garrot. Elle a perdu beaucoup de sang et le flot ne s’est pas encore tari. A ce rythme elle est condamnée si on ne fait rien.

Je m’agenouille à coté d’elle. Dans la pénombre je distingue ses traits livides. Elle souffre en silence, essayant de garder un rythme cardiaque stable.

- Qui es-tu ? me demande-t-elle dans un souffle saccadé.
- Garde tes forces. On aura tout le loisir de faire connaissance plus tard.

J’ouvre mon sac et sort la trousse de premier soin que je me suis constituée. Khenzo prend place de l’autre coté de Camélia et lui pose une main sur le front en prononçant quelques paroles rassurantes. Je prends un flacon, du coton et une pince à épiler. Une fois la pince désinfectée j’écarte le bandage et observe la plaie. La balle est bien logée au fond de la blessure. La jeune femme s’agite et je sens son pouls s’accélérer.


- Tout va bien se passer. Compte jusqu’à trente.
- Pardon ?

Malgré la douleur elle trouve la force de prendre un air interloqué.

- Discute pas et compte.

Elle regarde Khenzo qui hoche la tête.

- Un, deux…

J’enfonce la pince dans la plaie à la recherche de la balle et d’une bonne prise. Camélia ne peut s’empêcher de crier.

- Ne t’arrête pas de compter ! Aller !
- Trois… qua… quatre… cinq…

La jeune femme serre la main de l’homme qui me dévisage curieusement. Je continue de fouiller la plaie. Le sang coule à nouveau en abondance. Je dois me dépêcher. A vingt je tiens enfin fermement la balle entre la pince. Je la retire d’un coup sec. Camélia perd connaissance. Ce n’est pas plus mal. J’imbibe un linge propre de désinfectant et nettoie bien la plaie. J’attrape ensuite une aiguille et coupe un morceau de fil. Quelques minutes plus tard la blessure est recousue. Je me suis appliquée le plus possible et normalement elle ne devrait garder qu’une petite cicatrice. Khenzo prend le comprimé que je lui tends.

- Fais lui avaler ça. Elle supportera mieux la douleur.
- Merci…
- C’est normal.

En me relevant je m’aperçois que tout le groupe a les yeux rivés sur nous. Certains me regardent avec méfiance, d’autres avec curiosité. Tim, lui, me dévisage avec haine. Décidément celui-là ne peut vraiment pas me sentir.

- Est-ce qu’il y a un endroit où je pourrai me débarbouiller ?
- Oui, bien sûr, répond Khenzo alors qu’il tente de faire reprendre connaissance à Camélia. Tu montes l'escalier que tu vois là-bas et au fond du bureau il y a une ancienne salle de bain. Il y a de l’eau mais elle n’est pas potable.

La salle de bain n'est pas un exemple de propreté mais je ne vais pas m'en plaindre. Les points d'eau sont difficiles à trouver depuis que Macrélois a coupé la plupart des systèmes de canalisation en dehors des territoires sécurisés. Voilà plusieurs jours que j'en cherchais un. Je remplis toutes mes gourdes vides et rajoute des pastilles effervescentes. Il ne m'en reste plus qu'un paquet de vingt ; il faudra que je trouve bientôt un fournisseur. Je range les gourdes dans mon sac et inspecte la pièce. Il y a un vieux miroir tout crasseux au-dessus du lavabo ; j'enlève une partie de la poussière et contemple mon reflet. Les paroles de Tim me reviennent à l'esprit : "Quel âge as-tu ? Vingt-cinq ? Trente ans tout au plus ?". Si seulement… C'est vrai qu'en l'espace d'un an et demi j'ai vécu bien des choses. J’ai vu des choses que je n’aurai jamais dû voir. J’ai fait des choses que je n’aurais jamais dû faire. Je soupire. Je suis un peu las de porter ce masque impassible. Il y a des jours où c’est plus dur à supporter. Demain ça ira mieux. "Ne jamais montrer ces faiblesses"... La phrase préférée de mon père. J’ai bien retenu la leçon. Je m'approche un peu plus du miroir jusqu'à ce que mon nez touche la surface froide. J'ai les mêmes yeux gris vert que ma mère. Un héritage de famille qui se transmet de mère en fille d’après ce qu’elle me disait. Elle aimait dire que les miens étaient les plus beaux de la famille. Sacrée maman. Je ne l’ai jamais cru une seconde. Mes cheveux, quant à eux, ressemblent actuellement à un grand champ de bataille. Poussiéreux, ils ont pris une teinte blanchâtre à force d’avoir trainé dans la poussière. Cela me vieillit encore plus. Une bonne douche leur redonnera leur couleur naturelle.
Je retire mes vêtements et me glisse dans la douche. L’eau est froide et me donne la chair de poule. Je me frictionne rapidement, enlevant la fatigue et la poussière de ces derniers jours. Une fois sèche j'enfile des vêtements propres ; un short, un tee-shirt ainsi que mes bas et mes bottes. C'est un peu léger pour la saison mais je n'ai rien d'autre en réserve. Je lave mes autres vêtements et les essore du mieux que je peux. Une fois toutes mes affaires rangées je redescends dans la grande pièce du hangar. Il y a de vieux bidons en métal et quelques cagettes qui trainent ici et là. Globalement l’endroit semble entretenu et régulièrement occupé.
Le rideau de fer a été tiré et un feu brûle ardemment dans l’un des bidons. Le groupe est réparti tout autour et discute calmement. La tension semble être redescendue. Khenzo est toujours aux cotés de Camélia dans un angle du fond. Je m’approche d’eux. La jeune femme semble aller un peu mieux et avoir reprit des couleurs. Elle me fait un signe de la tête en guise de remerciement. Tim nous rejoins à ce moment-là et se plante devant moi. Il a l’air toujours aussi furieux.

- Ce n’est pas parce que tu as soigné Camélia que tu dois te croire chez toi ici. Alors prend tes affaires et fous le camp !
- C’est demandé si gentiment…
- Ne fais pas la maligne avec moi !

Tim m’attrape à nouveau par le col de mon manteau et me plaque violemment contre le mur. Je lâche mon sac sous le coup. Le silence accompagne sa chute. Tous les regards sont braqués sur nous à présent. Il colle son avant bras sous ma gorge et se rapproche de mon visage.

- Tu n’es pas la bienvenue ici, grince-t-il. Je ne te le dirais pas trois fois, prend tes affaires et barres-toi !
- Mais…
- Il n’y a pas de « mais » ! Ferme-la ! Je t’ai dis de te casser !

Tim resserre son étreinte. Khenzo décide d’intervenir à ce moment-là pour nous séparer. Le quinquagénaire rechigne à me lâcher si bien que le jeune homme est obligé de l’empoigner de force pour l’éloigner.

- Tu fais chier Tim. Elle a sauvé la peau de Camélia et c’est comme ça que tu la remercies ?
- J’aime pas cette gonzesse. Elle va nous attirer des ennuis je le sens.

J’aime beaucoup quand on parle de moi comme si je n’étais pas là alors que je me tiens à quelques centimètres…

- Arrête ta paranoïa. Elle restera ici aujourd’hui si elle le souhaite. La nuit a été rude pour tout le monde. Alors n’en rajoute pas.
- Non… je…
- Arrête je te dis !

Khenzo repousse violemment Tim vers le feu et lui fait signe de s’asseoir.

- Je t’ai connu moins ronchon. Alors si tu veux jouer à ça, reste là à ruminer dans ton coin et arrête de nous casser les pieds comme ça.

C’est presque comique de voir l’aîné du groupe se faire rabrouer de la sorte. Il croise les bras et continue de marmonner des injures.
Le jeune homme revient vers moi. Je n’ai pas encore osé bouger, attendant de voir comme les choses allaient tourner. Il s’approche de moi et me dévisage quelques minutes en silence. Je finis par prendre la parole.

- Ecoute, je ne veux pas vous embêter. Alors je vais ramasser mon sac et m’en aller. Ce sera plus simple comme ça.
- Non, non. Tu peux rester ici, répond-t-il pensif. Sauf si tu as un meilleur endroit pour passer la journée et dormir cette nuit. Il ne faut pas en vouloir à Tim. Ces derniers jours ont été un peu éprouvant pour nous, il a les nerfs à vif.
- Je comprends, les temps qui courent sont durs.

Je me laisse glisser contre le mur pour m’asseoir. Je n’ai pas envie de refuser l’offre de Khenzo. Je suis trop fatiguée pour refuser un abri sûr.

J'ai sorti mon stylet et me suis enfin penchée sur une illustration "potable" ! La suite des aventures au prochain épisode...

2 commentaires:

  1. First ! :P

    Toujours très bien Lysiah.
    Vraiment.
    j'apprécie la tension et le coté social qui s'en dégage, c'est sympa comme tout !

    Ps : C'est moi ou, tu as cherché à la vieillir sur ton illustration ? :D

    L'âne, discret mais présent.

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  2. Pas particulièrement, mais je galère encore à dessiner le même personnage plusieurs fois ! C'est pour ça que c'est un bon entrainement. Je suis sûre que j'y arriverai un jour ! ^^'

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