samedi 22 janvier 2011

Lueur d'espoir - Episode 13


Quatorze heures arrivent lentement mais sûrement. Khenzo se lève enfin, toujours silencieux. Il a l’air de savoir où il va alors je le suis sans dire un mot à travers la cité. Plus nous avançons et plus nous nous éloignons des endroits fréquentés. Au bout d’un moment il tourne brusquement à droite. Le boyau est sombre, et seul un filet de lumière semble passer à travers une plaque d’égout. Lentement le jeune homme s’approche de la source de la lumière. Un rat dérangé pendant son festin de déchets détale en couinant. A l'aide d'une barre en fer qui traîne à coté, Khenzo soulève la plaque en fonte. Après avoir jeté un œil derrière et devant lui, il attrape la poignée en fer et se hisse à l'extérieur. Je l'imite. La plaque d'égout retrouve sa place rapidement. Mon compagnon me fait signe de le suivre toujours en silence. Je trouve son attitude un peu étrange, mais j’obéis sans faire d’histoire.
Les nuages voilent le soleil qui reste bas dans le ciel. L’hiver approche à grand pas, et la grisaille reprend peu à peu le dessus. Une bise glaciale balaye les rues désertiques que nous traversons. Ce pays me fout le cafard. Cette vie me fout le cafard. Mais ai-je le choix ? J’aime à penser que oui, mais ce ne sont que des illusions. Non, nous sommes maitre de notre vie. C’est à nous de décider quoi en faire, comment, et quand. Pas eux. Pas ceux qui nous ont tout pris, et qui continue de nous noyer dans la misère.
Après une bonne demi-heure de marche à travers un paysage chaotique, nous arrivons devant un ancien quartier pavillonnaire de la ville. Un quartier bourgeois si j’en juge l’aspect des maisons encore debout. Colonnes, matériaux rares et précieux, architectures élaborées et complexe… Je regarde la carte de mon détecteur de chaleur. Lorris… Cette ville avait été élu, il y a dix ans, siège du parti de la Nouvelle Force Libérale – encore un nom à la con. Le NFL avait été rapidement démantelé par le gouvernement en place. Corruption, blanchiment d’argent, trafic d’influence… voilà ce que cachait en réalité ce parti. Je pense que le gouvernement aurait bien fermé les yeux sur leurs activités, mais l’Europe en avait décidé autrement. Je me souviens qu’à l’époque cela avait fait beaucoup de bruit dans le pays. Une partie de la classe politique criait à l’ingérence européenne, tandis que l’autre moitié se félicitait que le Conseil Européen mette son nez dans les affaires des différents états membres. Finalement rien de bien nouveau depuis des décennies… jusqu’à aujourd’hui. Une partie des membres du NFL avait élu domicile près du siège de leur parti. Des ruines, des cendres, des gravas, de la poussière. Voilà tout ce qu’il en reste aujourd’hui. 
Khenzo finit par s'arrêter devant l’une des rares maisons encore debout. En voilà un qui avait dû bien profité des activités lucratives du NFL. J'enjambe une colonne brisée qui entrave le chemin pour arriver jusqu’à la porte d’entrée. Mon compagnon l’ouvre et traverse un long couloir de marbre rose qui débouche sur une petite pièce. Cela me fait penser à une salle d’attente. Deux portes d'acier se dressent devant nous. Sagement nous attendons.
Soudainement, une sphère métallique jaillit de nulle part et file à toute allure sous nos yeux. Je n'ai pas pu m'empêcher de sursauter. La caméra de surveillance nous passe aux rayons X et nous demande de décliner notre identité. Après avoir rempli son devoir elle retourne à sa place dans un renfoncement du mur. Les portes s'ouvrent et trois hommes armés jusqu’aux dents nous entourent. Le premier nous somme de lui remettre toutes nos armes, le deuxième nous vide les poches, et le troisième nous tient en joue prêt à faire feu si la situation l’exige. Ce n'est pas particulièrement agréable d’être de l’autre coté du canon, mais je peux comprendre toutes ces précautions.
Les trois hommes nous escortent jusque devant une autre porte métallique. Un clavier tactile sort du mur et à l’abri des regards l’un d’eux compose le code d’entrée. La porte s’ouvre et nous sommes poussés sans ménagement à l’intérieur de la pièce. Nous nous retrouvons plongés dans une mi-pénombre. 

- Approchez mes enfants.

Une silhouette vêtue de blanc se détache dans un grand fauteuil sombre. Elle désigne du doigt deux tabourets devant son bureau. Je m'assois tout en observant les lieux. La pièce est grande, elle devait servir de salon avant. Des rideaux métalliques protègent les baies vitrées qui doivent donner sur le jardin. Il y a en tout et pour tout trois portes. Celle par laquelle nous sommes arrivés, une à droite et une à gauche. Je dirige mon regard vers notre interlocuteur.

- Pouvez-vous me dire si un groupe d'une centaine de personnes a traversé la région ce mois-ci ?
- Toujours droit au but, n’est-ce pas ?

C'est une affirmation que l'homme vient de formuler plus qu'une question. Il pose ses coudes sur le bureau et se penche vers nous. Je ne vais pas me laisser intimider par un vieillard car je ne lui donne pas moins de la soixantaine.

- Je n'ai pas de temps à perdre, et je suppose que vous non plus. Donc allons aux faits.
- Tu peux garder tes répliques insolentes pour toi ! Ici on suit mes règles. Pas les tiennes.

Je ne baisse pas les yeux. Je sais qu’il me teste. Je le sens. Après avoir soutenu mon regard pendant cinq bonnes minutes il finit par esquisser un sourire.

- Bien, donc tu veux avoir des renseignements sur un groupe armé ?
- Non, pas armé. Enfin pas au sens où vous l’entendez. C’est un groupe de civils.
- Tu connais leur identité ?
- Oui. Leur chef s'appelle Michèle, il a cinquante-deux ans et une cicatrice en forme de croix sur la joue gauche.
- Hum...Que lui veux-tu à ce… Michèle ?
- A lui ? Rien... mais ma famille est avec lui. Je dois les retrouver car j'assurais leur sécurité.

L'homme s'enfonce dans son fauteuil et passe sa main dans sa barbe. Il semble réfléchir.

- Ne serais-tu pas la fille du Colonel ? demande-t-il soudainement.

Mon cœur bat la chamade. S’il sait c’est qu’il a forcément des nouvelles à me donner.

Hop ! Hop ! Hop ! Encore un nouvel épisode d'Horizons !
La prochaine fois, promis j'essaye de me diversifier un peu. J'espère que vous aurez quand même envie de savoir la suite ! :p

dimanche 16 janvier 2011

Evasion devient Indjahl !


Il existe deux mondes. Le monde des humains et le monde des créatures mystiques.
Rare sont les créatures mystiques qui se risquent à vivre dans le monde des humains. Celles qui osent franchir le pas pourront bénéficier d'une puissance inégalée. Mais pas sans sacrifice. Elles doivent lier leur âme à un être humain doté de magie pour pouvoir survivre dans ce monde qui leur est hostile. Elles pourront ainsi se nourrirent d'énergie spirituelle à travers ce fameux lien.
Indjahl, est l'une d'entre elle...

Je vous avais déjà parlé d'un projet de groupe qui s'appelait Evasion il me semble. C'est un projet scolaire que l'on mène à six. Quatre game designer, et deux graphistes, pour mener a bien la tâche ardue de réaliser un prototype de jeu vidéo, proposant une expérience de jeu aussi divertissante que possible.
Parmi les game designer, on compte Kalumis, Hamana, Florian, et Lysiah (moi-même) et parmi les graphistes on compte Lindsay et Jérémy.

Et bien Evasion est devenu Indjahl, et le voilà qui participe à un premier concours ouvert par LeMonde.fr.
Pour cela nous devons tenir un blog pour présenter notre concept de jeu et son évolution. Si vous voulez en découvrir plus sur notre projet, n'hésitez pas à le visiter et à laisser vos impressions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, ou bien à nous poser des questions. Cet échange ne pourra qu'être enrichissant pour nous, mais peut-être aussi, je l'espère, pour vous.
Vous trouverez ce blog ici ! 

dimanche 9 janvier 2011

Lueur d'espoir - Episode 12



Un bruit strident me sort du sommeil. Je prends quelques secondes pour me rappeler qui je suis et qu'est-ce que je fais là. En tout cas une chose est sûre : j'ai toujours eu horreur des réveils brutaux ! Quelqu'un me tire par la manche pour me lever, et manque de me déshabiller. C'est Camélia.

- Aller dépêche-toi ! C'est le signal.

Hébétée et encore endormie, je la suis dans la petite pièce où je me suis retrouvée la veille avec Khenzo. A l'intérieur il y a déjà Tim, Geremy, Nedj un autre homme du groupe, et Camélia qui me tire toujours par la manche. Mais comment va-t-on tous rentrer là-dedans ?! Apparemment il suffit juste de ne pas se poser de questions car la porte finit par se refermer sur nous. Je suis littéralement écrabouillée entre Nedj et Camélia. Peut-on rêver mieux comme réveil ?

- Ce genre d'alerte arrive souvent ? réussis-je à demander, à moitié étouffée dans cette petite pièce exiguë.
- En moyenne une fois par jour, répond Tim.
- Ha...

Ça ne m'enchante pas vraiment. Je me tords dans tous les sens pour regarder l’heure sur mon détecteur. Onze heures du matin ! Si tard ? Il vaut mieux que je ne m'habitue pas à dormir d'un sommeil si lourd, bien que je doive l'avouer, ça ressource énormément. Pour l'instant je ne dois pas trop bouger sinon je sens que les jurons vont pleuvoir sur ma tête.
Au bout de vingt longues - très longues - minutes l'alerte est levée. Je décide d'aller immédiatement jeter un oeil aux bazars de la cité pour voir si, par le plus grand des hasards, personne ne vend un trèfle à quatre feuilles. Il faut bien que je force un peu ma chance sinon je sens que le vent va tourner trop vite en ma défaveur.
Je traverse donc la ville souterraine, flânant à droite à gauche. Il y a longtemps que je n'avais pu souffler un peu de la sorte. Veiller sur ses arrières et guetter l’horizon devant soi est épuisant. Malheureusement ce répit ne sera que de courte durée.
J'aperçois enfin un truc susceptible de ressembler à un trèfle à quatre feuilles. Je l'achète pour cinq euros. C'est de l'argent gâché, je sais, mais par les temps qui courent, on a tous envie de croire à quelque chose ; en l’occurrence moi à un trèfle à quatre feuilles. Je continue à me balader mais pour des choses plus utiles cette fois. J'achète donc un stock conséquent de piles, plusieurs sachets de pastilles effervescentes pour rendre l'eau - même la plus polluée du monde - potable. Alors que je sors d'une boutique de munitions, quelqu'un me rentre violemment dedans.

- Excusez-moi, je... Xalyah ! C'est toi !
- Khenzo ! Qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu tombes bien, je voulais te parler justement, dit-il en ignorant ma question. Kuzzly nous a eu un rendez-vous avec son contact pour quatorze heures. Ça nous laisse un peu de temps. Tu as faim ?
- Un peu que j'ai faim !

Je n'ai rien avalé depuis la soupe et la gelée.

- Suis-moi je connais un truc pas mal.

Khenzo n'est pas quelqu'un de très bavard. J'ai remarqué qu'il a souvent le regard dans le vague, comme s'il était perdu dans un autre monde, ou une autre dimension. Il commence d'ailleurs à prendre le large avec ses pensées. Je finis donc mon déjeuner en silence, écoutant distraitement les conversations bruyantes des tables voisines. La taverne est petite et bondée. Une queue s’est même formée à l’entrée, attendant tant bien que mal que quelques tables se libèrent. Khenzo ne m’a pas menti. Je n’avais pas mangé quelque chose qui ressemblait autant à de la vrai nourriture depuis longtemps. Bien sûr cela ne vaut pas un bon poulet rôti et un délicieux gratin dauphinois comme ma mère en faisait si bien, mais ce n’est déjà pas si mal.
Après avoir fini mon assiette je sors mon détecteur pour tuer le temps jusqu'à quatorze heures. J'ai déniché une petite carte dans une boutique qui peut me mettre à jour tous les fichiers. D’ailleurs je me demande bien comment le marchand a pu dégoter un tel produit… Quoi qu'en fait non, je crois que je ne tiens pas vraiment à le savoir. D'après ce que m'indique l'écran, la mise à jour va durer vingt-quatre heures. L’opération est longue car elle passe par une connexion satellite piratée. Mieux vaut ça que de faire une mise à jour rapide et se faire repérer.

Faire le relooking du blog m'a donné envie de poster rapidement ! J'en reviens à une illustration plus classique qui est loin d'être terminée. Le final sera pour le prochain épisode. J'espère que cela vous plaira quand même !

dimanche 2 janvier 2011

Lueur d'espoir - Episode 11


Un bruit sourd me fait sursauter. Je me retourne. Khenzo est là, mon sac à ses pieds.

- Je me suis dit que tu ne voudrais plus rester avec des pourris dans notre genre, et que tu aimerais récupérer tes affaires.
- Khenzo, je...
- Non, il n’y a rien à dire.

Son ton est dur. Ses traits plus graves que jamais.

- Il faut comprendre ces gens, reprend-t-il d'une voix sèche. Ils n'ont plus rien. Même plus d'illusions… Ils sont désespérés. Mais tu n'as pas vraiment l’air de t’en soucier.

Je me relève péniblement pour faire face au jeune homme qui me toise du regard.

- Ça n'excuse pas ce genre de comportement. Même désespérés, ce qui fait que nous sommes encore humains, c'est le respect que nous gardons pour les autres. As-tu vu du respect dans cette foule ? As-tu vu du respect dans leur regard vis-à-vis de ces hommes, ou même vis-à-vis de toi quand tu leur as parlé ? Je n’en ai vu aucun. Que du mépris et de la haine. Ce ne sont pas mes valeurs.

J'hésite un peu, puis je décide de continuer devant le silence morne de mon interlocuteur. Je prends un ton plus doux et conciliant.

- Je n'ai pas été correct avec toi, je le reconnais. Tu m'as offert ton aide et je t'ai traité comme le dernier des vauriens. Je suis désolée... excuse-moi... mais il…
- Ça va, ne dis plus rien, j'ai compris, me coupe Khenzo. Si ça t'intéresse toujours, j'ai réussi à avoir un rendez-vous avec mon contact par rapport aux infos que tu voulais, reprend-t-il en sautant du coq à l’âne sans prévenir.

Je le regarde avec étonnement. Il m'adresse un clin d'oeil complice qui met un terme à ce sujet. J'ai vraiment été injuste avec lui.

- C'est vrai ?
- Bien sûr. Par contre il nous reste dix minutes pour y être, alors c'est maintenant ou jamais.

Il est trois heures du matin quand nous quittons le terrain vague, laissant derrière nous quatre tombes et quatre vies qui terminent leur course ici.
Un quart d'heure plus tard nous sommes assis à une table, dans une petite taverne. Le contact de mon compagnon doit arriver d'un moment à l'autre.

- Khenzo...

Il lève les yeux vers moi.

- Oui ?
- Tu sais, pour tout à l'heure je voulais...
- Ça va ne t'en fait pas, c'est oublié. Mon ego s'en remettra... Tiens voilà Kuzzly.
- Queuquoi ?
- Kuzzly mam'selle !

Un homme à la voix métallique s'assoit à la table. Une capuche recouvre son visage.

- Alors fiston, tu voulais me parler ?
- Oui, je... Xalyah a une requête à faire.

Le jeune homme se recule sur sa chaise comme pour s’effacer de la conversation et me laisser la place.

- En effet j’ai une requête. On m'a dit que tu connaissais une personne susceptible de me parler des derniers déplacements effectués dans la région.
- C'est exact.
- Pourrai-je rencontrer cette personne ?
- Non.

La réponse me prend un peu de court.

- Ha... heu… Et... pourquoi ?
- Ce genre de renseignement je peux vous les avoir sans aucun problème.
- Je vois.

Je regarde Khenzo. Il hausse les épaules. Tout se monnaye ici à ce que je vois.

- Excusez-moi si je vais vous paraître impolie, mais je ne vous connais pas, et rien ne me dit que vous me donnerez les bonnes informations. Je préfère parler directement à la personne qui m’intéresse. Je pense que vous pouvez comprendre cela.
- La prochaine fois gamin, préviens-moi quand tu m’amènes ce genre d'individu. Désolé mam'selle mais je peux rien faire pour vous dans ce cas.
- Pourquoi ?
- C'est comme ça.
- Mais c'est important ! Vous ne pouvez pas faire une exception pour cette fois ?

Je ne sais pas quoi dire pour que Kuzzly veuille bien me faire entrer en contact avec cette personne. En voyant ma mine dépitée, Khenzo se penche vers lui, et lui glisse quelques mots à l'oreille. L'homme hésite puis hoche la tête.

- Ok, ça marche. Je t'appelle demain, déclare-t-il, puis il se tourne vers moi. Vous avez de la chance.

L'homme à la voix métallique s'éloigne à la hâte, et en l'espace de quelques minutes il disparait dans la noirceur des égouts. Je ne sais pas ce qu'a bien pu lui dire mon compagnon et j'aimerais bien le savoir.

- Ho ! Rien de particulier. Je lui ai juste rappelé qu'il avait une dette envers moi, et que c'était une occasion de l'effacer.
- Une dette ?
- Oui. Si Kuzzly se cache derrière ce capuchon, c'est parce la moitié de son visage est recouvert d'une plaque d'acier. En fait c'est un peu grâce à moi si l'autre moitié est restée intacte. Une patrouille du PPNG avait piégé son groupe. La moitié de ses hommes sont morts ce jour-là et lui était en train de se faire torturer à l’acide par les soldats. Heureusement pour lui, je passais dans le coin.
- Cacherais-tu une âme de sauveur par hasard ?

Khenzo éclate de rire mais ne répond pas. Je regarde la pendule de la taverne, il est trois heures trente du matin passées. Je baille. Il prend mon sac et se lève.

- Aller, viens. Il reste un peu de soupe aux pates et de le gelé si tu as faim.
- Ce ne serait pas de refus.

Une fois dans les quartiers de Tim, Khenzo fait chauffer ce qu'il reste de soupe. Je mange rapidement, assise en tailleur sur un matelas disposé dans un coin de la pièce principale. Quelques ronflements s’élèvent des alcôves desservies par un petit couloir. Mon compagnon garde ses distances en plongeant son regard dans le brasero. La lumière rougeâtre qui se reflète sur son visage lui donne un air sinistre. Je n’ai pas très envie de connaître ses pensées, et de toute façon je doute qu’il veuille les partager avec moi.
Je pose mon assiette au pied du matelas et ramène mes genoux vers ma poitrine. Ce qu’il s’est passé cette nuit est le reflet de notre âme à tous. C’est marche ou crève, il n’y a pas d’autre issue. Pourtant… si on le voulait… tout ça pourrait prendre fin. Toute cette situation absurde pourrait s’arrêter. Si seulement on croyait en nous… si seulement. Voir le monde se déchirer pour de l’argent, pour une parcelle de terre, pour le pouvoir, c’est le fardeau des Hommes depuis des milliers d’années. N’ouvrira-t-on jamais les yeux sur ce qui importe vraiment ? Ce que j’ai vu ici me pousse à croire que non. Qu’on ne changera pas. Si seulement…

- Tout va bien Xalyah ?

Khenzo s’est rapproché de moi sans que je m’en aperçoive. Il s’assoit lourdement à mes cotés basculant sa tête en arrière pour fixer le plafond.

- Ça va oui. Je repensais à ce qu’il s’est passé un peu plus tôt.
- Tu sais, les gens ne sont pas mauvais comme tu sembles le penser, dit-il dans un soupir.
- J’aimerai penser la même chose que toi. Mais ce que j’ai vu prouve le contraire. On ne peut pas agir comme ça et se revendiquer « innocente victime ».
- Parce que tu penses être meilleure qu’eux ? Tu penses que tuer quatre hommes de sang froid est plus juste que de les caillasser ?!

L’amertume qui filtre dans sa voix me serre le cœur. Je baisse la tête et ferme les yeux.

- Je n’ai jamais dit que j’étais meilleure qu’eux. J’ai fait des choses dont je ne suis pas fière. Mais je ne me voile pas la face. Je ne vis pas dans le déni. Ce qui me tue c’est qu’ils ne font rien pour changer les choses. Ils subissent sans agir, et la seule rébellion dont ils sont capables c’est de jeter des cailloux aux visages des cadavres. Avec un peu de volonté ils pourraient cessés d’être de pauvres victimes. Avec un peu de volonté ils pourraient reprendre leur vie en main, et ce n’est pas aux morts qu’ils s’en prendront.
- Tu ne crois pas que c’est un peu idéaliste comme vision du monde.
- Peut-être. Mais j’y crois. Je pense sincèrement qu’on est maître de notre vie.

Je tourne le regard vers lui. Un sourire discret s’est installé au coin de ses lèvres alors qu’il passe une main dans ses cheveux brun épais. Je ne sais pas si c’est du mépris ou de l’indulgence.

- Maître de notre vie ? Bah ! Pourquoi pas après tout.
- Si on laisse les autres contrôler sa vie, alors on finit par tout perdre un jour ou l’autre. Se sentir victime c’est être faible. A mon sens… je précise.
- Donc à ton sens tous les gens présents ici sont des êtres faibles ?
- Non. Ceux qui subissent une vie qu’ils n’ont pas choisie sont faibles. Ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde ici.

Les yeux de Khenzo se posent sur moi. Je n’arrive toujours pas à déchiffrer son expression.

- T’es une drôle de femme quand même.

Je ne sais pas comment je dois le prendre, mais ça ne m’empêche pas d’esquisser un sourire timide. Le silence retombe entre nous.
Les paroles de mon compagnon ne sont pas dénuées de sens. Après tout qui suis-je pour juger les autres de cette façon ? Mais je n’arrive pas à me débarrasser de l’idée que nous restons maîtres de nos vies. Les sacrifices sont parfois lourds à payer, mais est-ce que la liberté a un prix ?
Alors que le sommeil me gagne Khenzo me couvre les épaules avec une couverture. Sans faire de bruit il se lève pour rejoindre son matelas dans l’une des alcôves.

Bon je sais, j'ai mis du temps à pondre un article, mais j'espère que vous me pardonnerez et que ce onzième épisode vous plaira !
Une petite précision concernant "l'illustration". Ceci a été fait dans un cadre scolaire et donc imposé. Tout ce qu'on pouvait choisir c'était le thème. J'en ai donc profité pour faire une map (orientée RPG) sur Horizons. Ce n'est pas la map exacte des lieux, car j'ai condensé plusieurs partie de la ville souterraine au même endroit. Il faut donc extrapoler, et imaginer tout plein de dédale dans les égouts avec beaucoup d'autres "bâtiments" creusés dans le sol.