- Quelqu'un pourra sûrement t'aider. On l’appelle le Prophète dans le coin.
- Le Prophète ? C’est ridicule comme nom.
- D’après ce que je sais, continue-t-il en ignorant mon sarcasme, il est au courant de tous les mouvements qui ont lieu dans ce secteur. Personnellement, je ne l’ai jamais rencontré, mais je connais quelqu’un qui pourra te mettre en relation avec lui.
- Pourquoi ferais-tu ça pour moi ?
La prudence reprend le contrôle de mon esprit. J’ai déjà eu à faire à des personnes qui te tendent la main, tout sourire, pour mieux te poignarder dans le dos ensuite. Khenzo pourrait très bien faire partie de celles-là.
- Tu as soigné Camélia sans rien exiger en contrepartie. Comme ça, nous serons quittes.
S’il le dit. Tant qu’il m’assure que rien ne me sera demandé en échange, alors je peux supposer que je n’ai pas grand-chose à perdre à rencontrer ce… Prophète, et peut-être même beaucoup à gagner.
Méditant sur sa proposition, nous en restons-là, chacun s’enfermant dans sa bulle. Je profite de cet instant d’accalmie pour repriser mon short qui a souffert de mes derniers exploits. Puis, de nouveau, je me laisse porter par la tranquillité de cette journée, uniquement rythmée par les quarts de surveillance du groupe. Une ou deux fois, je tente de proposer mon aide pour patrouiller dans le secteur, mais Tim refuse catégoriquement. Encore suspicieux à mon égard, il ne me quitte pas des yeux et épie le moindre de mes gestes. Je décide donc de prendre mon mal en patience et de profiter de ce repos surveillé pour reprendre des forces. J’en ai bien besoin.
Jeremy vient me tenir compagnie une partie de l’après-midi. Comme je l’avais deviné, il va sur ces quinze ans le mois prochain. C’est un gamin bavard, plein de volonté et de bonnes intentions. Il a juste grandi trop vite. Beaucoup trop vite. Et son rapport avec la mort est un peu spécial. Je préfère donc éviter le sujet, même s’il essaye de l’aborder avec moi à plusieurs reprises en me questionnant inlassablement sur l’altercation que nous avons eu, Khenzo et moi, plus tôt dans la matinée. Je ne lui décrirai pas les sensations qu’ôter la vie de dix hommes procure. Non. Tuer est un traumatisme que l’on n’oublie jamais. Ceux qui disent qu’on finit par s’y habituer sont, soit des hypocrites, soit des assassins.
Sur les coups de vingt-et-une heures, tout le groupe se retrouve autour du baril, dont les flammes montent jusqu’à hauteur d’homme. Bilan de la journée : les Balayeurs ont fait le ménage, fouillé les zones de combat de fond en comble et rédigé un rapport sur l’éradication de deux patrouilles qui n’aura pas de suite immédiate. Ils ont suffisamment d’éléments pour ouvrir une enquête, mais trop de choses plus urgentes à traiter pour l’instant : une poche de résistance cause d’importants dégâts dans l’est de la Seine-et-Marne, mobilisant une bonne partie des troupes de la région. Seules cinq unités seront envoyées en renfort dans le secteur pour le moment. En attendant de pouvoir déployer une force plus importante, les troupes sont juste invitées à renforcer l’armement de leur patrouille et redoubler de vigilance. Le travail de renseignement du groupe de Tim est stupéfiant.
Malgré mon vif intérêt pour leur façon de procéder, je reste à l’écart, respectant leur intimité. Après l’analyse des différents évènements de la journée, deux hommes s’occupent de préparer à manger pour tout le monde. Franc et Timothée. Des jumeaux, approchant la trentaine et le mètre quatre-vingt. Si l’un n’était pas habillé d’un treillis et d’un blouson noir, et l’autre d’un jean et d’une veste en tweed, je serais incapable de les distinguer. Ils ont exactement la même corpulence, les mêmes traits et les mêmes cheveux blonds coupés en brosse. Le dominant, Franc, a l’air plus sportif et extraverti que son frère, qui se contente de marcher dans ses pas. Ensemble, ils distribuent les gamelles pleines de nourriture lyophilisée, bourrée de protéines et de vitamines. Très certainement fournie par la cité vu le caractère industriel des sachets. Tandis que des odeurs appétissantes me chatouillent les narines, je me contente de ce qu’il me reste, c'est-à-dire de pas grand-chose. Mes réserves diminuent et je dois rationner mes repas. Je me sers donc un demi sachet de viande en poudre, deux abricots secs et de l’eau. Avec un peu d’effort, je m’imagine sur une terrasse ensoleillée, en train de manger un bon poulet rôti accompagné de frites croustillantes. Mon estomac me fait comprendre qu’il aimerait bien que ce soit vrai. Un jour, peut-être…
L’ambiance est calme autour du feu. La perte de Samuel les a visiblement tous un peu sonnés. Des conversations s’engagent, à voix basse, teintées de tristesse et de regrets. Malgré tout, ces sons apaisant me bercent. Il ne m’en faut pas plus pour sombrer dans une douce torpeur. Harassée de fatigue, j’ai le cœur léger en pensant à la bonne nuit de sommeil qui m’attend. Je finis par m’allonger dos au mur, enroulée dans mon manteau, avec mon sac en guise d’oreiller.
Après un long moment de silence, voici la suite d'Horizons avec l'ébauche d'un nouveau personnage : Ed.
Je n'ai pas chômé ces derniers temps : travaux irl, formation en web design, remise au goût du jour de mon portfolio, développement du site Horizons sur Wordpress (toujours en cours), et refonte totale du site de mon club de sport (bientôt en ligne !).
J'avais donc un peu délaissé le dessin et l'écriture, mais je m'y remets tout doucement !