mercredi 10 avril 2013

Horizons - Episode 1 revisité



Mes pieds dérapent sur les gravats. D’une main, je me rattrape à une poutre métallique et saute par-dessus les vestiges d’un mur. Une vis m’entaille profondément la cuisse. Merde. À partir de maintenant il ne me reste qu’une demi-heure avant que les premiers symptômes d’une septicémie foudroyante n’apparaissent. Je reprends ma course, poussée par les effets de l’adrénaline. Une ruelle encombrée se présente sur ma droite. Je m’y engage sans ralentir le pas. J’escalade l’amas de débris tant bien que mal. Je glisse à plusieurs reprises lâchant quelques jurons au passage. Puis, je repars de plus belle. 

Au loin, j’entends les voix des hommes qui m’ont pris en chasse. La dernière fois, j’avais eu moins de mal à m’en séparer, mais il faut croire qu’aujourd’hui ils sont particulièrement remontés. Arrivée à un croisement, je m’arrête quelques secondes, les poumons et les muscles en feu. Je balaye les environs d'un regard affolé. Je dois trouver une solution. Et vite ! 

- Elle est là ! 

Et merde ! Je me suis trop attardée ici. La rue d’en face me semble la meilleure option. Je pique un sprint et entre dans le premier bâtiment à droite. Je saute par-dessus les décombres et jette un coup d’œil aux chiffres inscrits au-dessus de la cage d’ascenseur. Quinze étages… Allez, c’est parti ! L’immeuble n’étant plus alimenté en électricité, je vais devoir passer par les escaliers. Arrivée sur le seuil du deuxième étage, je me penche par-dessus la rambarde ; les hommes envahissent le hall et se précipitent à ma suite. Ma cuisse me lance cruellement, mais je serre les dents et continue de monter aussi vite que possible. La partie risque d’être serrée. Ils sont lourdement armés et bien déterminés à me rattraper. Quelle idée j’ai eu de vouloir passer par là ! Pour l’instant, j’ai mieux à faire que de réfléchir. Le bruit de leurs bottes qui claquent sur les marches en béton m’indique qu’ils sont juste derrière moi. Je gagnerais sans doute en vitesse si je me débarrassais de mon sac et de mon HK-720, mais ma vie en dépend. Alors, je vais devoir faire avec leurs poids. 

Arrivée au septième étage, je fais une pause de quelques secondes. La plaie que j’ai à la cuisse saigne beaucoup, mais je n’ai pas le temps de m’appesantir sur le sujet ; ils sont en meilleure condition physique que moi et gagnent du terrain à chaque minute. Je sors alors une grenade à fragmentation de mon sac et la dégoupille avant de la jeter par-dessus la rambarde, deux étages plus bas. L’explosion est assourdissante et un nuage de fumé acre envahit la cage d’escalier. Des cris de douleur et de rage parviennent à mes oreilles. Je souris. J’ai gagné quelques minutes. Avant de repartir à l’assaut des marches, je prends une grande inspiration. J’ai l’impression de gravir un immeuble sans fin. Mes jambes ont de plus en plus de mal à me porter, la tête me tourne, les nausées m’assaillent. La poussière qui retombe lentement n’arrange rien. J’entends les hommes qui escaladent les décombres pour se remettre en chasse. J’avale les marches, les unes après les autres, dérape parfois sur les éclats de béton et de métal qui jonchent le sol, repars de plus belle… Ces escaliers semblent interminables ! Et en plus, ils regagnent du terrain ! 

Au douzième étage, un point de côté menace d’éclater près de mon poumon droit. Dans ma course infernale, je sors un inhalateur de ma poche et m’arrête quelques secondes pour inspirer profondément. Quelques coups de feu sont tirés dans ma direction sans m’atteindre. Ils ne me lâcheront donc jamais ? Le produit dopant agit immédiatement : la crispation disparaît et je peux reprendre mon ascension. À présent, ils sont juste en-dessous ! Allez ! Poussée par une fulgurante montée d’adrénaline, j’escalade les trois derniers étages rapidement, maintenant une maigre avance sur mes poursuivants. 

Une fois sur le large palier du dernier étage, je me jette contre la porte qui donne accès au toit de l’immeuble. Fermée. Merde. Fébrile, je regarde autour de moi. Rien. D’autres tirs ricochent dans la cage d’escalier pour me mettre la pression. Je m’accroupis au sol, mais ce n’est pas ça qui va me protéger ou m’aider ! Je porte alors une main à ma cuisse droite et sors le Wallgon-X de son holster. J’aurais préféré garder mes munitions pour autre chose, mais tant pis, il va falloir que je gaspille une balle pour sortir d’ici. Après m’être reculée de deux mètres, je tire. La serrure vole en éclat et la porte s’ouvre toute seule sous le coup. En-dessous, j’entends les cris des hommes qui me poursuivent. Animés par une rage sourde, ils n’ont visiblement pas du tout apprécié ce que j’ai fait à l’un des leurs. En même temps, qu’est-ce qu’il faisait sur mon chemin aussi ? 

Je n’ai que deux ou trois minutes, tout au plus, avant qu’ils ne me rejoignent. Pourtant, j’avance sur le toit, lentement, à la recherche d’une issue. Le souffle court, j’ai du mal à garder les idées claires. Ce n’est pas le moment de flancher ! Je dois trouver une solution. Maintenant ! 

J’aperçois un poteau bioélectrique à quelques mètres du bord de l’immeuble. Je m’approche et regarde en contrebas. La gaine en caoutchouc semble à peu près intacte, et le sol n’a pas l’air endommagé près de sa base. La voilà, ma solution. Avec de l’élan, je devrais y arriver. 

Et puis, de toute façon, ce n’est pas comme si j’avais vraiment le choix… 

- Elle est sur le toit ! 

C’est l’heure de prendre le large, messieurs ! Je prends un peu de recul puis, sans plus réfléchir, je m’élance. Au moment où mes pieds quittent le sol, les hommes envahissent le toit. Le choc fait trembler mes os, et, l’espace d’un instant, il n’y a que ma main droite qui me maintient en vie. Dans un ultime effort, je me contorsionne pour me remettre face au poteau. Je l’enserre de mes deux bras, le temps de prendre une grande inspiration. Les soldats s’approchent du bord et commence à tirer. Quelques balles sifflent à mes oreilles et je me recroqueville, comme si ça allait mieux me protéger. J’amorce ma descente. Heureusement pour moi, s’ils sont bons coureurs, en revanche ils sont très mauvais tireurs. J’accélère le rythme, et me laisse glisser jusqu’en bas. La réception est douloureuse et je porte une main à l’entaille de ma cuisse, lâchant un juron. Des salves de HK-G100 me rappellent à l’ordre. Je dois décamper ! 

Quelques hommes restés dans le hall – 5 pour être exacte -, sortent de l’immeuble et courent vers moi, armes au poing. Leurs compagnons, toujours sur le toit, tirent dans ma direction sur une vingtaine de mètres, jusqu’à ce que je bifurque à gauche au premier croisement. Frais et reposés, les cinq gaillards me rattrapent à une vitesse effroyable. En sortant de la ruelle, je me prends les pieds dans une tige de métal et m’affale avec la plus grande classe de tout mon long. Bordel ! Ni une ni deux, je sors à nouveau mon Wallgon-X, me retourne et tire à deux reprises. L’un des hommes s’écroule au sol puis, hurle de douleur. Les quatre autres ralentissent alors le rythme pour s’assurer qu’il survivra. Cela me laisse suffisamment de temps pour me relever et remettre un peu de distance entre eux et moi. 

Après vingt minutes de course soutenue, je m’arrête enfin dans une ruelle sombre, haletante. Mon détecteur de chaleur me confirme que, cette fois, je les ai bel et bien semés. Je sais qu’ils seraient capables de passer la ville au peigne fin pour me retrouver, mais avant de poursuivre, je dois d’abord m’occuper de mon infection. Je n’irai pas plus loin sinon. Toute cette zone a été contaminée lors de la Rupture, suite à la destruction d’un laboratoire de recherche. Le fruit de leur recherche s’est retrouvé à l’air libre et d’après ce que j’en ai vu pour l’instant, la moindre blessure ouverte s’avère mortelle si elle n’est pas traitée à temps avec l’antidote mis au point récemment par quelques scientifiques indépendants. Déjà, je sens les premiers symptômes ; vertiges, bouffée de chaleur, hausse de la tension, vision trouble… 

Fébrile, je m’agenouille et sors deux trousses de mon sac. A l’intérieur de la plus petite, il me reste trois seringues pleines. Les six autres ont déjà été utilisées, et je n’ai pas encore trouvé de fournisseur pour les remplacer. Je débouche un petit flacon d’antiseptique et imbibe un morceau de coton. Après avoir désinfecté la zone de piqûre, je prends un bout d’élastique en caoutchouc et l’enroule au-dessus de mon coude en le maintenant entre mes dents. Puis, sans plus attendre, je m’injecte l’antidote dans le creux du bras et relâche le garrot. Les effets indésirables sont virulents. La tête me tourne tellement que je suis obligée de m’asseoir contre le mur. Les sueurs et les vertiges s’accentuent, et je me mets à saigner du nez. Putain de chercheurs. Ils auraient quand même pu trouver un antidote avec moins d’effets secondaires. Enfin, il vaut mieux ça que crever d’une plaie bénigne. 

Toujours dans un état second, je fouille dans la seconde trousse et prépare mon matériel de premier secours. La plaie fait plusieurs centimètres de long et nécessite quelques points de suture. Dans un premier temps, je la désinfecte avec de l’alcool à 90°. Ça fait un mal de chien, mais l’antidote atténue rapidement la douleur. Quelques minutes me suffisent pour recoudre la plaie. Je déchire ensuite le sachet d’une compresse pour l’appliquer sur la plaie, puis ouvre une boite de bandage pour protéger ma cuisse des saletés. 

Je crois qu’il est temps de repartir. Mes poursuivants ne tarderont pas à venir par ici. Je range mon bazar, attrape mon Mémo et m’installe plus confortablement contre le mur, le temps d’étudier mon itinéraire. Le vieil homme m'avait dit que leur destination immédiate était Nantes, et qu’une fois arrivés là-bas, ils comptaient quitter le pays pour gagner un lieu plus sûr. Le pauvre homme n'avait pas eu le temps de me dire quel était ce lieu - bien que j'ai ma petite idée sur la question - la balle qu'il avait reçue en pleine poitrine avait achevé son travail. Comme pour les autres, je lui ai creusé une tombe puis, dans un bloc de béton qui traînait à côté, j'ai gravé un signe composé de quatre cercles imbriqués les uns dans les autres. Lui aussi, je le vengerai, comme tant d'autres... trop à mon goût. 

J’analyse la carte des environs que m’affiche mon Mémo et lui demande une estimation du temps de trajet pour arriver à la prochaine grande ville. Parfait. Je devrais y être pour la tombée de la nuit.

Horizons poursuit son évolution à travers les méandres de la toile et grâce à de précieux retours de parfaits inconnus qui prennent un peu de leur temps pour s'arrêter. L'ère internet a aussi du bon...

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