dimanche 2 janvier 2011

Lueur d'espoir - Episode 11


Un bruit sourd me fait sursauter. Je me retourne. Khenzo est là, mon sac à ses pieds.

- Je me suis dit que tu ne voudrais plus rester avec des pourris dans notre genre, et que tu aimerais récupérer tes affaires.
- Khenzo, je...
- Non, il n’y a rien à dire.

Son ton est dur. Ses traits plus graves que jamais.

- Il faut comprendre ces gens, reprend-t-il d'une voix sèche. Ils n'ont plus rien. Même plus d'illusions… Ils sont désespérés. Mais tu n'as pas vraiment l’air de t’en soucier.

Je me relève péniblement pour faire face au jeune homme qui me toise du regard.

- Ça n'excuse pas ce genre de comportement. Même désespérés, ce qui fait que nous sommes encore humains, c'est le respect que nous gardons pour les autres. As-tu vu du respect dans cette foule ? As-tu vu du respect dans leur regard vis-à-vis de ces hommes, ou même vis-à-vis de toi quand tu leur as parlé ? Je n’en ai vu aucun. Que du mépris et de la haine. Ce ne sont pas mes valeurs.

J'hésite un peu, puis je décide de continuer devant le silence morne de mon interlocuteur. Je prends un ton plus doux et conciliant.

- Je n'ai pas été correct avec toi, je le reconnais. Tu m'as offert ton aide et je t'ai traité comme le dernier des vauriens. Je suis désolée... excuse-moi... mais il…
- Ça va, ne dis plus rien, j'ai compris, me coupe Khenzo. Si ça t'intéresse toujours, j'ai réussi à avoir un rendez-vous avec mon contact par rapport aux infos que tu voulais, reprend-t-il en sautant du coq à l’âne sans prévenir.

Je le regarde avec étonnement. Il m'adresse un clin d'oeil complice qui met un terme à ce sujet. J'ai vraiment été injuste avec lui.

- C'est vrai ?
- Bien sûr. Par contre il nous reste dix minutes pour y être, alors c'est maintenant ou jamais.

Il est trois heures du matin quand nous quittons le terrain vague, laissant derrière nous quatre tombes et quatre vies qui terminent leur course ici.
Un quart d'heure plus tard nous sommes assis à une table, dans une petite taverne. Le contact de mon compagnon doit arriver d'un moment à l'autre.

- Khenzo...

Il lève les yeux vers moi.

- Oui ?
- Tu sais, pour tout à l'heure je voulais...
- Ça va ne t'en fait pas, c'est oublié. Mon ego s'en remettra... Tiens voilà Kuzzly.
- Queuquoi ?
- Kuzzly mam'selle !

Un homme à la voix métallique s'assoit à la table. Une capuche recouvre son visage.

- Alors fiston, tu voulais me parler ?
- Oui, je... Xalyah a une requête à faire.

Le jeune homme se recule sur sa chaise comme pour s’effacer de la conversation et me laisser la place.

- En effet j’ai une requête. On m'a dit que tu connaissais une personne susceptible de me parler des derniers déplacements effectués dans la région.
- C'est exact.
- Pourrai-je rencontrer cette personne ?
- Non.

La réponse me prend un peu de court.

- Ha... heu… Et... pourquoi ?
- Ce genre de renseignement je peux vous les avoir sans aucun problème.
- Je vois.

Je regarde Khenzo. Il hausse les épaules. Tout se monnaye ici à ce que je vois.

- Excusez-moi si je vais vous paraître impolie, mais je ne vous connais pas, et rien ne me dit que vous me donnerez les bonnes informations. Je préfère parler directement à la personne qui m’intéresse. Je pense que vous pouvez comprendre cela.
- La prochaine fois gamin, préviens-moi quand tu m’amènes ce genre d'individu. Désolé mam'selle mais je peux rien faire pour vous dans ce cas.
- Pourquoi ?
- C'est comme ça.
- Mais c'est important ! Vous ne pouvez pas faire une exception pour cette fois ?

Je ne sais pas quoi dire pour que Kuzzly veuille bien me faire entrer en contact avec cette personne. En voyant ma mine dépitée, Khenzo se penche vers lui, et lui glisse quelques mots à l'oreille. L'homme hésite puis hoche la tête.

- Ok, ça marche. Je t'appelle demain, déclare-t-il, puis il se tourne vers moi. Vous avez de la chance.

L'homme à la voix métallique s'éloigne à la hâte, et en l'espace de quelques minutes il disparait dans la noirceur des égouts. Je ne sais pas ce qu'a bien pu lui dire mon compagnon et j'aimerais bien le savoir.

- Ho ! Rien de particulier. Je lui ai juste rappelé qu'il avait une dette envers moi, et que c'était une occasion de l'effacer.
- Une dette ?
- Oui. Si Kuzzly se cache derrière ce capuchon, c'est parce la moitié de son visage est recouvert d'une plaque d'acier. En fait c'est un peu grâce à moi si l'autre moitié est restée intacte. Une patrouille du PPNG avait piégé son groupe. La moitié de ses hommes sont morts ce jour-là et lui était en train de se faire torturer à l’acide par les soldats. Heureusement pour lui, je passais dans le coin.
- Cacherais-tu une âme de sauveur par hasard ?

Khenzo éclate de rire mais ne répond pas. Je regarde la pendule de la taverne, il est trois heures trente du matin passées. Je baille. Il prend mon sac et se lève.

- Aller, viens. Il reste un peu de soupe aux pates et de le gelé si tu as faim.
- Ce ne serait pas de refus.

Une fois dans les quartiers de Tim, Khenzo fait chauffer ce qu'il reste de soupe. Je mange rapidement, assise en tailleur sur un matelas disposé dans un coin de la pièce principale. Quelques ronflements s’élèvent des alcôves desservies par un petit couloir. Mon compagnon garde ses distances en plongeant son regard dans le brasero. La lumière rougeâtre qui se reflète sur son visage lui donne un air sinistre. Je n’ai pas très envie de connaître ses pensées, et de toute façon je doute qu’il veuille les partager avec moi.
Je pose mon assiette au pied du matelas et ramène mes genoux vers ma poitrine. Ce qu’il s’est passé cette nuit est le reflet de notre âme à tous. C’est marche ou crève, il n’y a pas d’autre issue. Pourtant… si on le voulait… tout ça pourrait prendre fin. Toute cette situation absurde pourrait s’arrêter. Si seulement on croyait en nous… si seulement. Voir le monde se déchirer pour de l’argent, pour une parcelle de terre, pour le pouvoir, c’est le fardeau des Hommes depuis des milliers d’années. N’ouvrira-t-on jamais les yeux sur ce qui importe vraiment ? Ce que j’ai vu ici me pousse à croire que non. Qu’on ne changera pas. Si seulement…

- Tout va bien Xalyah ?

Khenzo s’est rapproché de moi sans que je m’en aperçoive. Il s’assoit lourdement à mes cotés basculant sa tête en arrière pour fixer le plafond.

- Ça va oui. Je repensais à ce qu’il s’est passé un peu plus tôt.
- Tu sais, les gens ne sont pas mauvais comme tu sembles le penser, dit-il dans un soupir.
- J’aimerai penser la même chose que toi. Mais ce que j’ai vu prouve le contraire. On ne peut pas agir comme ça et se revendiquer « innocente victime ».
- Parce que tu penses être meilleure qu’eux ? Tu penses que tuer quatre hommes de sang froid est plus juste que de les caillasser ?!

L’amertume qui filtre dans sa voix me serre le cœur. Je baisse la tête et ferme les yeux.

- Je n’ai jamais dit que j’étais meilleure qu’eux. J’ai fait des choses dont je ne suis pas fière. Mais je ne me voile pas la face. Je ne vis pas dans le déni. Ce qui me tue c’est qu’ils ne font rien pour changer les choses. Ils subissent sans agir, et la seule rébellion dont ils sont capables c’est de jeter des cailloux aux visages des cadavres. Avec un peu de volonté ils pourraient cessés d’être de pauvres victimes. Avec un peu de volonté ils pourraient reprendre leur vie en main, et ce n’est pas aux morts qu’ils s’en prendront.
- Tu ne crois pas que c’est un peu idéaliste comme vision du monde.
- Peut-être. Mais j’y crois. Je pense sincèrement qu’on est maître de notre vie.

Je tourne le regard vers lui. Un sourire discret s’est installé au coin de ses lèvres alors qu’il passe une main dans ses cheveux brun épais. Je ne sais pas si c’est du mépris ou de l’indulgence.

- Maître de notre vie ? Bah ! Pourquoi pas après tout.
- Si on laisse les autres contrôler sa vie, alors on finit par tout perdre un jour ou l’autre. Se sentir victime c’est être faible. A mon sens… je précise.
- Donc à ton sens tous les gens présents ici sont des êtres faibles ?
- Non. Ceux qui subissent une vie qu’ils n’ont pas choisie sont faibles. Ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde ici.

Les yeux de Khenzo se posent sur moi. Je n’arrive toujours pas à déchiffrer son expression.

- T’es une drôle de femme quand même.

Je ne sais pas comment je dois le prendre, mais ça ne m’empêche pas d’esquisser un sourire timide. Le silence retombe entre nous.
Les paroles de mon compagnon ne sont pas dénuées de sens. Après tout qui suis-je pour juger les autres de cette façon ? Mais je n’arrive pas à me débarrasser de l’idée que nous restons maîtres de nos vies. Les sacrifices sont parfois lourds à payer, mais est-ce que la liberté a un prix ?
Alors que le sommeil me gagne Khenzo me couvre les épaules avec une couverture. Sans faire de bruit il se lève pour rejoindre son matelas dans l’une des alcôves.

Bon je sais, j'ai mis du temps à pondre un article, mais j'espère que vous me pardonnerez et que ce onzième épisode vous plaira !
Une petite précision concernant "l'illustration". Ceci a été fait dans un cadre scolaire et donc imposé. Tout ce qu'on pouvait choisir c'était le thème. J'en ai donc profité pour faire une map (orientée RPG) sur Horizons. Ce n'est pas la map exacte des lieux, car j'ai condensé plusieurs partie de la ville souterraine au même endroit. Il faut donc extrapoler, et imaginer tout plein de dédale dans les égouts avec beaucoup d'autres "bâtiments" creusés dans le sol.

7 commentaires:

  1. Et bah dis donc.. c'était long hein?! :p

    Toujours très bien, un peu de profondeur pour les persos, et une Illu que j'aime particulièrement. C'est sympa les plans et les schémas.
    Ça te change de tes précédentes illus et c'est plutôt pas mal quand même.. :D

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  2. Merci !
    J'étais sûr que t'apprécierais d'avoir un plan des lieux. Bon ce n'est pas encore un vrai décor, mais ça va venir. ^^

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  3. Attention, je vais te prendre aux mots et bientôt demander un "vrai décor" hein?! ^^

    En attendant celui ci est déjà bien sympathique.
    J'aime bien. ;)

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  4. J'aime.
    Je trouve les couleurs cohérentes et la géométrie de l'ensemble prometteuse, bien que n'ayant aucune idée de la part de la consigne dans ce résultat.

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  5. La seule consigne qu'on avait :
    "Faire une map en 2D vue de dessus sur illustrator, une élévation isométrique de toute ou partie de la map sur illustrator, la même élévation texturée sur photoshop."

    Le reste c'était à nous de choisir, thème, couleur, harmonie, etc. Donc j'ai essayé de me faire plaisir. Autant joindre l'utile à l'agréable dès que possible. ^^

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  6. Dans ce cas tu as bien de l'imagination (qui en doutait?... non pas moi), et j'espère que ta note sera à la hauteur du travail fourni.
    Combien de temps aviez-vous au fait?

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  7. On avait une session de cours et demi (soit un peu moins de 14 heures), avec du temps à bosser chez nous entre les cours si on le voulait (même si c'était fortement recommandé).
    Donc j'ai dû y passer une 15aine d'heure dessus. Le temps de trouver l'idée, de commencer à schématiser, puis de passer à la réalisation. :)

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