vendredi 12 juillet 2013

Horizons - Episode 5 revisité


Sans attendre davantage, il revient sur ses pas en courant et se dirige vers les coups de feu. Mon instinct me dit de le suivre. Ma raison me dit de me détourner et de continuer mon chemin. Ce ne sont pas mes affaires. J’hésite. Si ses amis sont en mauvaise posture, il ne pourra rien faire seul. D’un autre côté, mon combat est ailleurs. Putain de conscience de merde ! Pourquoi faut-il qu’elle m’emmerde maintenant ? Chaque instant est précieux, et j’ai perdu suffisamment de temps avec mes conneries comme ça !

À contrecœur, je m’élance à sa suite, le talonnant de près. De nouvelles détonations brisent le silence. Certaines proviennent de pistolets, d’autres de mitraillettes. Je crois même deviner quelques explosions de grenade dans le lot. Quoiqu’il en soit, l’affrontement semble brutal. Au bout de quelques minutes, le calme revient au-dessus des ruines de béton et de métal. Khenzo accélère le rythme et je l’imite pour rester à sa hauteur. Apparemment, il fait partie des bons coureurs. Jamais je n’aurais pu le distancer.

Je peine à courir et manipuler le détecteur en même temps. De ce que j’en vois, le nombre de points rouges lumineux a diminué de moitié. Je ne sais pas si c’est bon signe…

Après un bon quart d’heure de course intense, Khenzo s’arrête tout d’un coup dans une petite ruelle. Elle fait l’angle du bâtiment depuis lequel je l’observais, lui et son groupe, un peu plus tôt dans la nuit. Je manque de lui rentrer dedans et étouffe un juron. Il m’attrape par l’épaule et me plaque brutalement en arrière contre le mur. Compris cinq sur cinq. Je la ferme.

Le jeune homme jette un œil dans la rue principale, puis il me fait signe d’avancer avec prudence. Par précaution, j’enlève le cran de sûreté de mon Wallgon-X que je viens de dégainer. Il me reste six balles dans le chargeur. Je plonge une main dans mon sac et attrape un second chargeur pour les échanger. Khenzo sors un semi-automatique – un Desert Eagle HF10 si je ne m’abuse – de sous sa veste, prêt à faire feu si nécessaire.

Nous traversons rapidement la rue, puis nous nous plaquons contre le renfoncement d’un mur. Il me fait comprendre de rester vigilante, et je hoche la tête. Il pourra compter sur moi, pour cette fois. Je le suis en couvrant ses arrières et nous longeons le mur, jusqu’à ce que nous atteignions le grand rideau de fer devant lequel son groupe se tenait tout à l’heure. Alors qu’il s’apprête à me demander de l’aide pour le soulever, le rideau s’ouvre. D’un même mouvement nous pointons nos armes vers l’intérieur, distinguant vaguement des silhouettes dans l’ombre. Une demi-douzaine de voix, dont la mienne et celle de Khenzo, s’élève, ordonnant à chacun de ne pas bouger et de baisser son arme.

Puis, le silence.

Khenzo range son semi-automatique. L’aîné de son groupe s’avance alors vers la lumière du jour pour prendre son compagnon dans les bras. Ils s’échangent quelques claques dans le dos, bien contents d’être toujours en vie. Je baisse mon Wallgon-X et remets le cran de sureté avant de le ranger dans son holster.

- Que s’est-il passé ? demande Khenzo.

L’homme doit approcher la cinquantaine d’années. Ses cheveux sont grisonnants sur les tempes et ses traits marqués par le temps. Il fronce des sourcils et se gratte la tête, l’air sombre, tandis que les autres membres du groupe s’avancent à leur tour en me jetant des regards peu amicaux. Leurs vêtements sont poussiéreux, leur visage couvert de sueur et de sang. Le combat a été rude.

- On est tombé nez à nez sur une patrouille du PPNG en revenant ici.
- Il y a eu de la casse ?

Le chef du groupe jette un regard vers le fond du hangar.

- En face, ils ont eu leur compte, mais Samuel y est resté, et Camélia s’est pris une balle dans l’épaule. 
- Samuel… fait chier, putain ! jure Khenzo.

Les visages des hommes qui m’entourent se décomposent à l’évocation de leur camarade.

- La patrouille a détruit une bonne partie de notre matériel et de nos réserves en nous balançant des grenades, continue le quinquagénaire. On n’a plus rien pour extraire la balle ou désinfecter la plaie de Camélia. Elle a déjà perdu beaucoup de sang, j’ai peur qu’elle y passe avant qu’on ait pu atteindre la cité.

La cité ? De quoi parle-t-il ? Jusque-là, j’avais conservé mes distances, écoutant attentivement leur discussion. Mais à ces mots, je m’approche de Khenzo, gardant mes mains loin de mes armes et bien visibles de tous.

- J’ai de quoi assurer les premiers soins pour votre blessée.

L’aîné du groupe se tourne vers moi et m’attrape par le col de mon manteau. Son visage est à quelques centimètres du mien. S’ils n’étaient pas aussi nombreux à l’accompagner, je pense que je lui aurai donné un bon coup de boule. Histoire de calmer ses ardeurs. Mais objectivement, ce n’est pas une très bonne idée. Le vieux est costaud et, en dehors de Khenzo, les membres du groupe n’ont pas l’air plus disposé à mon égard.

- T’es qui toi ?! siffle-t-il.
- Moi c’est Xalyah.

Ma voix est froide et autoritaire. Je n’aime pas les gens qui envahissent mon espace vitale. Encore moins ceux qui me menacent. L’homme me toise et je soutiens son regard. La tension monte d’un cran et quelques mains se hasardent à toucher la crosse d’un pistolet, prêtes à dégainer et tirer s’il le faut. Ma vie est entre ses mains et malgré tout il ne m’impressionne pas. Des types arrogants comme lui, j’en ai croisé des tas, et ce ne sont pas les pires. Il finit par me lâcher pour me tourner autour.

- C’était bien toi dans la banque ? C’est toi qui as ameuté ces connards par ici ?!
- Tim arrête, t’es ridicule là.
- J’en ai rien à foutre Khenzo. Qui te dit que cette gonzesse n’est pas en train d’informer le PPNG ou l’OPPI de notre position et de nos forces ?

La moutarde me monte un peu au nez :

- Sérieusement ? raillé-je. J’ai vraiment une tête à être des leurs ?
- À toi de me le dire.

Je prends sur moi pour conserver mon calme, mais ce n’est pas l’envie de lui foutre mon poing dans la tronche qui me manque. Après tout ce que j’ai enduré, je préférerais mourir plutôt que de les servir ! J’expire la rage qui monte en moi et reprends mon sang froid. Ça ne sert à rien de tenir tête si c’est pour finir six pieds sous terre. Je décide de prendre une attitude moins agressive et plus neutre, histoire de décrisper la situation.

- Pour répondre à ta première question : oui, c’était bien moi dans la banque. Et non, je n’ai ameuté personne ici. Tu sais très bien quel sort ils réservent aux femmes…

Je réajuste le col de mon manteau. Les mains s’éloignent légèrement des crosses. J’attends sa prochaine question :

- Que veux-tu ?
- Rien. J'étais juste curieuse de savoir à quelle organisation votre groupe appartenait.
- Nous n’appartenons à personne ! s’emporte-t-il. Nous sommes libres de...
- Oui, j’avais remarqué.

Je n’aurais pas dû le couper de cette façon, mais ce type me tape sur les nerfs. Il me pousse contre le mur du hangar pour me dominer de toute sa taille. Quelques hommes ont dégainé leur arme et me tiennent en joue.

- Quel âge as-tu ? Trente ans ? Tu ne m’impressionnes pas. J'en ai au moins vingt de plus que toi et je ne ferai qu'une bouchée de toi.
- Des menaces ?

Je ne peux pas m’empêcher de lui tenir tête. C’est plus fort que moi.

- Allez, ça suffit vos conneries ! (Khenzo attrape Tim par le bras et le force à reculer, puis il intime à ses compagnons de baisser leurs armes). On a plus important à faire que de régler un problème d’ego entre vous. Xalyah m’a aidé à abattre des soldats du PPNG, alors je pense qu’on peut la considérer comme étant de notre côté, dit-il à l’attention de son chef. 
- Comment peux-tu être si sûr qu’elle ne représente aucun danger pour nous tous ?
- Tu parierais la vie de Camélia là-dessus ? On a déjà perdu trois des nôtres, je te rappelle !

Tim pousse un grognement et tourne le dos à son interlocuteur. Il n’a pas tellement le choix. 

- Ah ! D’accord ! Qu’elle aille s’occuper de Camélia. Mais je ne te lâcherai pas d’un pouce, rajoute-t-il en dardant son regard de feu sur moi. Un pas de travers et tu es morte.

Au moins ça a le mérite d’être clair.

Allez, je me suis motivée pour réinstaller les pilotes de ma tablette, alors, ça y est, Tim est enfin terminé !