lundi 29 avril 2013

Horizons - Episode 3 revisité


Je me réveille en sursaut, tous les sens en alerte. L'aube est encore loin devant moi, mais je suis saisie d’une sensation désagréable. Sans attendre, j'empoigne mon sac, mets mon fusil d’assaut en bandoulière et quitte les lieux rapidement, les yeux rivés sur mon détecteur de chaleur que je viens d’allumer. C'est bien ce que je pensais : une douzaine d'hommes circulent dans le secteur. Je ne sais pas d'où ils sortent, mais dans le doute je préfère me tenir à distance et rester dans l'ombre. D'autant plus que les points, jusqu’à présent gris, viennent de passer au rouge. Il faut toujours un laps de temps avant que le détecteur de chaleur n'analyse toutes les données. 

Pendant plus d'une heure, ils circulent dans les rues de la ville. J'ai comme l'impression qu'ils vérifient les lieux à la recherche de quelque chose... ou bien de quelqu'un. Cachée dans un placard à jouets, j’attends qu’ils s’éloignent, espérant qu’ils ne possèdent pas, comme moi, un détecteur de chaleur. Apparemment non, ou alors ils ne s’en servent pas pour l’instant. 

Depuis plus de dix minutes, ils sont réunis au même endroit et ne semblent plus avoir l'intention de bouger. J'hésite. Est-ce que je vais voir de plus près ? Ou je passe mon chemin le plus vite possible ? Oh, et puis j’emmerde la prudence ! Ne m’en veut pas papa, mais j’ai envie d’assouvir ma soif de curiosité cette nuit. Car si je sais que ce n'est pas raisonnable, j’irai quand même jeter un coup d'œil sur ce groupe. 

Grâce à mon Mémo et au plan de la ville dont il dispose, je repère la configuration des lieux. La carte m'indique qu'une ancienne banque surplombe l'endroit où ils se trouvent. C'est donc par là que je vais passer. Je m’équipe des lunettes et les règle en infra-rouge pour mieux me déplacer dans l’obscurité. Tout en prenant garde à ne pas faire de bruit, je tiens mes distances et passe par l'arrière du bâtiment. Je traverse les salles, une à une, sur la pointe des pieds. 

Il reste des machines à moitié cassées sous les décombres, des placards encore plein de dossiers, et même des tasses à café avec leur cuillère sur des tables de réunions jonchées de paperasse poussiéreuse. Le plafond et les murs semblent ne tenir que par miracle et n'attendent qu'une chose : me tomber dessus. Tout est sale, sans vie, et noir. L'abandon des lieux donne à cette banque un air sinistre. Des graffitis recouvrent les parois de la cage d'escalier. On peut y lire toutes sortes d'insultes grossières, de revendications politiques, de noms, de dates. C'est la représentation exacte du pays. Des morceaux d'idées, d'envies, d'actes, mais rien de cohérent, juste une impression de désordre. 

Arrivée au deuxième étage, je passe par-dessus les gravats pour gagner les fenêtres qui donnent sur la rue. De là, je devrais apercevoir le camp du groupe qui a sillonné toute la ville. Je m'allonge sur le sol et appuie sur un bouton de mes lunettes pour les passer en mode jumelles nocturnes. Je les adore ! Piquées dans un dépôt d’arme, je ne regrette pas les risques que j’ai pris à l’époque. 

En bas, ils sont quinze, l’air plus ou moins décontracté, postés dans la rue devant un rideau baissé comme s’ils attendaient quelque chose. Certains font les cent pas, nerveux. D’autres, plus détendus, jouent aux cartes pour passer le temps, à côté d’un brasero. Parmi eux, deux femmes trentenaires et des hommes de tout âge : le plus jeune est un adolescent, et le plus vieux frise la cinquantaine. 

J'essaie de repérer un sigle ou un insigne particulier qui me permettrait de les identifier, mais je ne vois rien. Ils ne portent pas d’uniforme particulier, juste des vêtements de ville. Le plus vieux semble également être le chef du groupe. Du moins, je suppose qu’il prend le commandement dans les situations difficiles, car la discipline ne semble pas être leur point fort. Chacun vaquent à ses occupations sans réelle coordination, parfois même en se chamaillant comme des gosses. La prudence ne semble pas non une règle d’or au regard du volume sonore qu’ils produisent. J'en déduis qu'ils ne font pas partis des forces du Parti Politique de la Nouvelle Génération. Non, eux sont trop à cheval sur les principes, la discipline et l'ordre. Et surtout, je n'ai encore jamais vu de femmes dans leur rang. Ils les asservissent comme des esclaves, prêtes à être engrossées, et toutes les tâches répugnantes indignes des hommes leur sont réservées. Merci pour ce beau retour à l’âge de pierre. Ils ne doivent pas non plus dépendre de l'Organisation Politique Pétrolière Internationale, car je n'ai pas vu le sigle du baril de pétrole, et ils ne portent pas de sabre à leur ceinture. Cette région est aux mains de ces deux seules organisations, alors qu’est-ce qu’il y a dans les environs nécessitant un tel armement pour un groupe de cette taille ? 

Un peu fatiguée après une nuit aussi courte, mon attention se relâche et mes pensées divaguent sur différentes hypothèses. J’imagine les soldats du PPNG se glissant parmi la population locale afin de s’infiltrer à tous les niveaux. Si Macrélois cherche réellement à reprendre le contrôle de la France et de ses frontières, c’est ce qu’il y avait de mieux à faire. Il pourrait alors répandre des rumeurs, camoufler les bévues et inventer des faits qui pousseraient les gens à se rallier à lui sans résister. Et d’après ce que j’avais pu apercevoir, la bonne parole sera bientôt prêchée par des âmes innocentes et juvéniles. Si seulement je pouvais me sortir de la tête toutes ces images atroces ! 

Ruminant ces idées noires, je pose mon menton sur la paume de mes mains et lâche un soupir. Mon HK-720 butte alors contre une petite pierre, qui n’attendait que ça pour se faire la malle. Elle dégringole les deux étages, chute sur le verre et rebondit parmi les plaques de tôle en un bruit assourdissant. Puis, comme pour me faire payer ma curiosité de manière ironique, continue sa course dans la rue pour aller rouler aux pieds d’une des femmes. Désabusée, j’enfouie ma tête dans mes bras. Déjà, ça s’agite en bas, l’aîné criant une série d’ordres à l’ensemble des membres du groupe. 

Super. J’ai encore gagné ma nuit… Prudence est mère de sûreté. Putain de merde, pourquoi faut-il que je sois si curieuse ? Ce n’est pas comme si c’était la première fois en plus… Promis papa, à l’avenir, je passerai mon chemin. Pestant contre ma connerie, je me relève et empoigne mon sac. Mon fusil d’assaut bat la cadence sur ma hanche tandis que je traverse le deuxième étage en sens inverse. J’avais repéré un étroit passage dans un mur qui menait vers une autre partie de l’immeuble. Je m’accroupis et balance mon sac et mon arme par la petite ouverture. Puis, tout en faisant attention à ne pas forcer sur ma jambe blessée, je rampe pour passer de l’autre côté. Je me relève et prends mes affaires. En face de moi, le sol est effondré. Il va falloir que je saute par-dessus le vide pour pouvoir continuer. Ça m’apprendra à vouloir faire la maligne. 

Mes poursuivants sont au rez-de-chaussée. Je n’ai pas beaucoup d’avance sur eux alors il va falloir que je me bouge les fesses. Prenant une grande inspiration je m’élance et saute. Ma roulade est plus que maladroite et une partie du plancher s’effondre sous mon poids. J’atterrie au premier étage, face contre terre, mangeant la poussière à pleine bouche. Pouah ! Dégueulasse. Un grognement s’échappe de ma gorge alors que je me remets sur pieds. Ma course m’amène sur une passerelle suspendue qui surplombe une rue et rejoint un autre immeuble. Je n’ai pas le temps de sortir mon détecteur pour savoir où se trouvent chacun des membres du groupe que j’ai dérangé. Et puis, vu le bruit qu’ils font, je pense qu’ils sont tous à mes trousses derrière moi. 

Grâce à mes lunettes infra-rouge, je prends quand même quelques secondes pour regarder le plan de l’étage avant de repartir. Tout droit. Deuxième à gauche. En face. À droite. J’y suis. Les escaliers de secours sont juste là. Essoufflée, j’ouvre la porte. La ruelle est déserte et si les premières marches métalliques sont intactes, le reste gît au sol, quelques mètres plus bas. Trop tard pour revenir en arrière. Et ça me contrarie. Je n’aime pas être contrariée. Moi qui espérais passer une nuit tranquille, je suis servie ! Après avoir observé les environs, j’aperçois une corniche sous mes pieds, à mi-hauteur du mur. Si je me débrouille bien, je devrais pouvoir l’attraper en me laissant tomber et atteindre le sol en deux temps. Je descends les quelques marches pour me laisser pendre par les mains. Avec mes jambes, je fais quelques mouvements de balancier puis, me lance. Raté. Mes mains dérapent sur le mur, ne trouvant aucune prise. La chute est rude et me coupe le souffle. Je roule sur le côté, le corps endolori et m’agenouille pour vérifier que je n’ai rien de cassé. À part quelques coupures et des bleus, je m’en tire plutôt bien. 

Des éclats de voix au-dessus de ma tête me tirent de mon inspection. Je crois qu’ils ont perdu ma trace dans l’immeuble. Avec un peu de chance, ils lâcheront rapidement l’affaire. Mais pour l’instant, je dois mettre le plus de distance possible entre eux et moi. Mon sac sur le dos et mon fusil d’assaut en bandoulière, je me remets à courir en trainant un peu la patte pour économiser mes forces. À la sortie de la ruelle, je m’arrête. Coup d’œil à droite. Personne. Coup d’œil à gauche. Personne. Je traverse rapidement la grosse artère pour gagner une autre rue. 

Dix minutes plus tard, je ralentis un peu le rythme. Ils ont dû abandonner, car je n’entends plus aucun bruit hormis celui que je produis. Je relâche un peu ma vigilance pour reprendre mon souffle. Je déteste courir. Pourtant c’est devenu l’une de mes activités principales. Si j’y suis maintenant habituée, cela reste toujours éprouvant. Néanmoins satisfaite de m’en sortir à si bon compte, je reprends ma route. 

Arrivée à un embranchement où j’hésite quant à la direction à prendre, je m’arrête. Alors que je m’apprête à sortir mon Mémo, une masse noire fond sur moi et me projette au sol. Je n’ai rien vu venir. Ni entendu. Et sans chercher à comprendre de quoi il s’agit, j’effectue une roulade pour me rétablir et m’enfuir. Mais l’individu, toujours au sol, en a décidé autrement. Il m’attrape les jambes et me fait tomber en avant. Mordant la poussière une seconde fois, je reçois un coup de poings au niveau de la mâchoire qui m’assomme à moitié, faisant voler mes lunettes. Mon sac et mon fusil d’assaut m’encombrent et cette fois je me sens contrainte de m’en débarrasser pour parer un second coup. Alors que l’homme arme une nouvelle fois son poing, je me dégage de son étreinte pour lui lancer mon pied dans les côtes. Il se plie en deux, le souffle coupé. Je ne ferai pas le poids face à lui. Il ne me reste qu’une solution : la fuite. Comme d’habitude. 

Profitant de cet instant de flottement, je me relève et me remets à courir. Dans la foulée, j'attrape mon sac et ramasse mon arme et mes lunettes. Après une centaine de mètres parcourus à toute allure, je m’aperçois que mon agresseur me talonne toujours. Et il regagne du terrain ! Il est coriace celui-là. Et si ça continue, je n’aurais pas d’autres choix que de le tuer… 

À plus de cinq cent mètre devant, j’aperçois un carrefour. Ma cuisse me lance, mes poumons me brûlent, la poussière me pique les yeux. Je suis mal barrée. Très mal barrée même.

La suite, revisitée après les nombreux commentaires que j'ai eu !

vendredi 12 avril 2013

Horizons - Episode 2 revisité


Le soleil s'est couché depuis une heure lorsque je sors enfin de la zone contaminée. D'après la carte affichée à l’écran, je ne devrais pas tarder à avoir mon objectif en visuel. Je remonte le col de mon manteau et sors des mitaines de mon sac. L'hiver approche et je ne sais toujours pas comment je vais pouvoir refaire mes réserves de nourritures et de munitions. Avec ce qu'il me reste j'en ai encore pour une semaine tout au plus. 

Un bruit me fait sursauter. Je mets mes lunettes et active la vision nocturne... rien. C'est derrière moi maintenant. Je tourne lentement la tête et m’approche silencieusement d’un bosquet. Le bruit s’est arrêté. Je m’accroupis, esquissant une grimace de douleur, car ma cuisse me tire encore cruellement. Je ramasse un caillou au sol, et sors le couteau de chasse de son étui, accroché à ma ceinture. Le manche prend la forme de ma paume et je soupèse l’arme pour me faire à son poids. D’un geste sec, je lance la petite pierre vers les bruissements qui ont repris, prête à taillader tout ce qui viendra dans ma direction. Un raton laveur sort à toute vitesse des fourrés en couinant. Soupir de soulagement. Je crois que j'ai eu aussi peur que lui. 

En rangeant mon couteau, je marmonne quelques obscénités à l'encontre de l'animal déjà loin du danger. Puis, je me remets en route le cœur plus léger, me trouvant un peu idiote à parler toute seule dans l'obscurité de la nuit. Du champ abandonné où je me trouve, je peux enfin apercevoir les vestiges de la ville. De grandes carcasses de bétons et de métal dressées vers les cieux criant la misère de leur histoire. 

Quand je repense qu’il y a tout juste trois ans, le monde se relevait enfin d’une grave crise. Vingt ans d’une crise politique, économique et financière qui ne semblait pas vouloir se terminer… Aujourd’hui encore j’ai l’impression d’être dans un rêve quand je pose mon regard autour de moi. Ou plutôt un cauchemar. Comment a-t-on pu en arriver là ? À quel moment avons-nous franchi le point de non-retour ? De cette grande crise avait émergé un véritable symbole d’espoir. Pour la première fois, l’ensemble des dirigeants de ce monde étaient enfin tombés d’accord sur les bases d’une constitution mondiale. Les résultats des référendums avait fait l’unanimité à plus de 85%, avec un taux d’abstention extrêmement bas. À peine 10%. C’était une victoire pour les peuples, une victoire pour la démocratie, une victoire pour l’avenir ! Alors pourquoi, au moment où nous nous réunissions tous ensemble pour envisager notre société autrement qu’à travers les marchés financiers, pourquoi a-t-il fallu que la folie de quelques-uns anéantissent, en quelques heures, ces années d’efforts et de compromis ? Des années pour voir émerger une solution, quelques heures pour tout balayer. Et les vieilles haines resurgissent du passé. L’Homme est rancunier, sectaire et dominateur. C’est un fait. Et c’est ce qui nous tuera tous. Jusqu’au dernier. 

Je me souviens encore de la grande allocution du Président, quelques temps avant la Rupture. Une de ses ridicules tirades qui n’ont cessé de ponctuer ses discours tout au long de son mandat, salissant l’image de la France à l’international. Il se voyait déjà aux commandes d’un futur gouvernement mondial, jouant aux marionnettistes avec les états membres. Cette fois encore il s’est fourré le doigt dans l’œil, jusqu’au coude même. De toute manière, il n’est plus de ce monde pour contempler son erreur. 

Le sentier de terre se transforme peu à peu en route de béton parsemée de gravats, les arbres deviennent des ruines, et le chant des oiseaux est remplacé par un silence de mort. Je choisis soigneusement où je pose mes pieds, repoussant la douleur de ma blessure dans un coin de ma tête. Prudence et mère de sûreté. Mon père me le répétait souvent. Bien que j’aie souvent associé la prudence à la lâcheté, aujourd'hui je dois admettre qu’il avait raison. Et sa sagesse me manque. 

Je sors le détecteur de chaleur d’une poche de mon sac et l'active. J'ai eu ce petit bijou par l'intermédiaire d'un groupe armé avec qui je suis restée près de deux semaines. Même si nous avons combattu côte à côte pour sauver notre peau et celle de ceux que nous protégions, j'ai tout de même dû débourser une petite fortune pour qu'ils veuillent bien me le céder. Et je ne regrette pas. 

Ce modèle dispose de deux modes : carte ou caméra. En mode carte, il détecte dans un rayon maximal de dix kilomètres toute source de chaleur d’un certain gabarit – exit donc les rongeurs et petits gibiers – ainsi que la présence de puces GPS. Si cette dernière est émise par un humanoïde, alors un point signalera sa position. Toute autre source de chaleur est indiquée par un carré. Ensuite, le détecteur analyse les signaux GPS, déterminant le danger potentiel de l’objet. Car depuis quelques décennies, tous les appareils ont été équipés d’une puce permettant de les tracer en temps réel et d’identifier la marque et le modèle. Autrement dit, lorsqu’un signal rouge lumineux clignotant apparait, que ce soit un carré ou un point, il faut commencer à sérieusement s’inquiéter. Il est possible de doter ses équipements d’un système fantôme, permettant de masquer leur signal GPS, mais c’est compliqué à trouver et cher ; il est impossible de retirer les puces sans détruire l’appareil ou altérer son fonctionnement. 

Pour l'instant, seuls des points et des carrés gris indiquent la présence d’humanoïdes non armés ainsi que d’animaux d’un certain gabarit. Pas de quoi s'affoler pour l’instant. Je vais enfin pouvoir dormir et reprendre des forces ! 

Une demi-heure plus tard, je franchis l’entrée de la ville. Le panneau a été arraché et jeté sur le bas-côté. Le nom recouvert de tag a également été lacéré de coups de cutter. On ne distingue que les cinq premières lettres « Subli… ». Pourquoi certaines personnes se sentent obligées de dégrader tout ce qu’ils croisent ? Je ne comprends pas. 

Je poursuis ma route vers le cœur de la ville. Les rues sont désertes, les volets des bâtiments encore debout sont clos, avec parfois un rai de lumière qui perce entre les joints. Quelques lampadaires bioélectriques fonctionnent encore à puissance réduite, donnant au lieu un aspect lugubre. 

En passant à côté d'une laverie, je récupère de vieux draps moisis par le temps. Je continue à déambuler entre les ruines pendant un long moment. Mon choix finit par se porter sur une grande maison familiale à l'architecture ancienne qui semble inhabitée. De trois ou quatre étages à l'origine, il n’en reste plus que les vestiges du premier, encombré par l'effondrement des étages supérieur. Au rez-de-chaussée, la partie arrière, où se trouvaient probablement la cuisine et la salle de réception, est affaissée. Seul le salon me protégera du vent et de la pluie. Je tire le vieux fauteuil en cuir à moitié éventré qui traîne dans un coin devant l'imposante cheminée. Les draps me serviront à allumer un feu qui me réchauffera l'espace d'une heure ou deux. C'est peu, mais ce sera suffisant pour cette nuit. 

Avant de m'endormir, j'hésite à laisser le détecteur allumé. Finalement, je préfère miser sur la chance et économiser ainsi le peu de batterie qu'il me reste. Enroulée dans mon manteau, je laisse mon esprit vagabonder où bon lui semble. La journée a été dure, mais j'ai connu pire. Des souvenirs douloureux s’emparent de moi, me plongeant dans un état second. La vie est injuste. Et en même temps, je préfère penser que nous méritons ce qu’il nous arrive. Ainsi, cela me donne la dérisoire illusion que je reste maîtresse de mon destin. Je peux influer sur le cours de ma vie. Il faut juste que je continue à m’en donner les moyens. Et que je continue d’y croire. Le doux crépitement des flammes finit par me bercer et peu à peu je sombre dans le pays des rêves, là où tout est permis, même l’espoir d’un meilleur futur.

Ces deux derniers jours j'ai carburé sur cette illustration ! Pour une fois que je réussi à dessiner un mec... un vrai... faut bien que je le partage. Bien évidemment, je n'ai rien inventé, et je me suis largement inspirée d'un artwork de Call of Duty pour la pose et le flingue, mais le résultat me satisfait, alors c'est déjà pas mal !

mercredi 10 avril 2013

Horizons - Episode 1 revisité



Mes pieds dérapent sur les gravats. D’une main, je me rattrape à une poutre métallique et saute par-dessus les vestiges d’un mur. Une vis m’entaille profondément la cuisse. Merde. À partir de maintenant il ne me reste qu’une demi-heure avant que les premiers symptômes d’une septicémie foudroyante n’apparaissent. Je reprends ma course, poussée par les effets de l’adrénaline. Une ruelle encombrée se présente sur ma droite. Je m’y engage sans ralentir le pas. J’escalade l’amas de débris tant bien que mal. Je glisse à plusieurs reprises lâchant quelques jurons au passage. Puis, je repars de plus belle. 

Au loin, j’entends les voix des hommes qui m’ont pris en chasse. La dernière fois, j’avais eu moins de mal à m’en séparer, mais il faut croire qu’aujourd’hui ils sont particulièrement remontés. Arrivée à un croisement, je m’arrête quelques secondes, les poumons et les muscles en feu. Je balaye les environs d'un regard affolé. Je dois trouver une solution. Et vite ! 

- Elle est là ! 

Et merde ! Je me suis trop attardée ici. La rue d’en face me semble la meilleure option. Je pique un sprint et entre dans le premier bâtiment à droite. Je saute par-dessus les décombres et jette un coup d’œil aux chiffres inscrits au-dessus de la cage d’ascenseur. Quinze étages… Allez, c’est parti ! L’immeuble n’étant plus alimenté en électricité, je vais devoir passer par les escaliers. Arrivée sur le seuil du deuxième étage, je me penche par-dessus la rambarde ; les hommes envahissent le hall et se précipitent à ma suite. Ma cuisse me lance cruellement, mais je serre les dents et continue de monter aussi vite que possible. La partie risque d’être serrée. Ils sont lourdement armés et bien déterminés à me rattraper. Quelle idée j’ai eu de vouloir passer par là ! Pour l’instant, j’ai mieux à faire que de réfléchir. Le bruit de leurs bottes qui claquent sur les marches en béton m’indique qu’ils sont juste derrière moi. Je gagnerais sans doute en vitesse si je me débarrassais de mon sac et de mon HK-720, mais ma vie en dépend. Alors, je vais devoir faire avec leurs poids. 

Arrivée au septième étage, je fais une pause de quelques secondes. La plaie que j’ai à la cuisse saigne beaucoup, mais je n’ai pas le temps de m’appesantir sur le sujet ; ils sont en meilleure condition physique que moi et gagnent du terrain à chaque minute. Je sors alors une grenade à fragmentation de mon sac et la dégoupille avant de la jeter par-dessus la rambarde, deux étages plus bas. L’explosion est assourdissante et un nuage de fumé acre envahit la cage d’escalier. Des cris de douleur et de rage parviennent à mes oreilles. Je souris. J’ai gagné quelques minutes. Avant de repartir à l’assaut des marches, je prends une grande inspiration. J’ai l’impression de gravir un immeuble sans fin. Mes jambes ont de plus en plus de mal à me porter, la tête me tourne, les nausées m’assaillent. La poussière qui retombe lentement n’arrange rien. J’entends les hommes qui escaladent les décombres pour se remettre en chasse. J’avale les marches, les unes après les autres, dérape parfois sur les éclats de béton et de métal qui jonchent le sol, repars de plus belle… Ces escaliers semblent interminables ! Et en plus, ils regagnent du terrain ! 

Au douzième étage, un point de côté menace d’éclater près de mon poumon droit. Dans ma course infernale, je sors un inhalateur de ma poche et m’arrête quelques secondes pour inspirer profondément. Quelques coups de feu sont tirés dans ma direction sans m’atteindre. Ils ne me lâcheront donc jamais ? Le produit dopant agit immédiatement : la crispation disparaît et je peux reprendre mon ascension. À présent, ils sont juste en-dessous ! Allez ! Poussée par une fulgurante montée d’adrénaline, j’escalade les trois derniers étages rapidement, maintenant une maigre avance sur mes poursuivants. 

Une fois sur le large palier du dernier étage, je me jette contre la porte qui donne accès au toit de l’immeuble. Fermée. Merde. Fébrile, je regarde autour de moi. Rien. D’autres tirs ricochent dans la cage d’escalier pour me mettre la pression. Je m’accroupis au sol, mais ce n’est pas ça qui va me protéger ou m’aider ! Je porte alors une main à ma cuisse droite et sors le Wallgon-X de son holster. J’aurais préféré garder mes munitions pour autre chose, mais tant pis, il va falloir que je gaspille une balle pour sortir d’ici. Après m’être reculée de deux mètres, je tire. La serrure vole en éclat et la porte s’ouvre toute seule sous le coup. En-dessous, j’entends les cris des hommes qui me poursuivent. Animés par une rage sourde, ils n’ont visiblement pas du tout apprécié ce que j’ai fait à l’un des leurs. En même temps, qu’est-ce qu’il faisait sur mon chemin aussi ? 

Je n’ai que deux ou trois minutes, tout au plus, avant qu’ils ne me rejoignent. Pourtant, j’avance sur le toit, lentement, à la recherche d’une issue. Le souffle court, j’ai du mal à garder les idées claires. Ce n’est pas le moment de flancher ! Je dois trouver une solution. Maintenant ! 

J’aperçois un poteau bioélectrique à quelques mètres du bord de l’immeuble. Je m’approche et regarde en contrebas. La gaine en caoutchouc semble à peu près intacte, et le sol n’a pas l’air endommagé près de sa base. La voilà, ma solution. Avec de l’élan, je devrais y arriver. 

Et puis, de toute façon, ce n’est pas comme si j’avais vraiment le choix… 

- Elle est sur le toit ! 

C’est l’heure de prendre le large, messieurs ! Je prends un peu de recul puis, sans plus réfléchir, je m’élance. Au moment où mes pieds quittent le sol, les hommes envahissent le toit. Le choc fait trembler mes os, et, l’espace d’un instant, il n’y a que ma main droite qui me maintient en vie. Dans un ultime effort, je me contorsionne pour me remettre face au poteau. Je l’enserre de mes deux bras, le temps de prendre une grande inspiration. Les soldats s’approchent du bord et commence à tirer. Quelques balles sifflent à mes oreilles et je me recroqueville, comme si ça allait mieux me protéger. J’amorce ma descente. Heureusement pour moi, s’ils sont bons coureurs, en revanche ils sont très mauvais tireurs. J’accélère le rythme, et me laisse glisser jusqu’en bas. La réception est douloureuse et je porte une main à l’entaille de ma cuisse, lâchant un juron. Des salves de HK-G100 me rappellent à l’ordre. Je dois décamper ! 

Quelques hommes restés dans le hall – 5 pour être exacte -, sortent de l’immeuble et courent vers moi, armes au poing. Leurs compagnons, toujours sur le toit, tirent dans ma direction sur une vingtaine de mètres, jusqu’à ce que je bifurque à gauche au premier croisement. Frais et reposés, les cinq gaillards me rattrapent à une vitesse effroyable. En sortant de la ruelle, je me prends les pieds dans une tige de métal et m’affale avec la plus grande classe de tout mon long. Bordel ! Ni une ni deux, je sors à nouveau mon Wallgon-X, me retourne et tire à deux reprises. L’un des hommes s’écroule au sol puis, hurle de douleur. Les quatre autres ralentissent alors le rythme pour s’assurer qu’il survivra. Cela me laisse suffisamment de temps pour me relever et remettre un peu de distance entre eux et moi. 

Après vingt minutes de course soutenue, je m’arrête enfin dans une ruelle sombre, haletante. Mon détecteur de chaleur me confirme que, cette fois, je les ai bel et bien semés. Je sais qu’ils seraient capables de passer la ville au peigne fin pour me retrouver, mais avant de poursuivre, je dois d’abord m’occuper de mon infection. Je n’irai pas plus loin sinon. Toute cette zone a été contaminée lors de la Rupture, suite à la destruction d’un laboratoire de recherche. Le fruit de leur recherche s’est retrouvé à l’air libre et d’après ce que j’en ai vu pour l’instant, la moindre blessure ouverte s’avère mortelle si elle n’est pas traitée à temps avec l’antidote mis au point récemment par quelques scientifiques indépendants. Déjà, je sens les premiers symptômes ; vertiges, bouffée de chaleur, hausse de la tension, vision trouble… 

Fébrile, je m’agenouille et sors deux trousses de mon sac. A l’intérieur de la plus petite, il me reste trois seringues pleines. Les six autres ont déjà été utilisées, et je n’ai pas encore trouvé de fournisseur pour les remplacer. Je débouche un petit flacon d’antiseptique et imbibe un morceau de coton. Après avoir désinfecté la zone de piqûre, je prends un bout d’élastique en caoutchouc et l’enroule au-dessus de mon coude en le maintenant entre mes dents. Puis, sans plus attendre, je m’injecte l’antidote dans le creux du bras et relâche le garrot. Les effets indésirables sont virulents. La tête me tourne tellement que je suis obligée de m’asseoir contre le mur. Les sueurs et les vertiges s’accentuent, et je me mets à saigner du nez. Putain de chercheurs. Ils auraient quand même pu trouver un antidote avec moins d’effets secondaires. Enfin, il vaut mieux ça que crever d’une plaie bénigne. 

Toujours dans un état second, je fouille dans la seconde trousse et prépare mon matériel de premier secours. La plaie fait plusieurs centimètres de long et nécessite quelques points de suture. Dans un premier temps, je la désinfecte avec de l’alcool à 90°. Ça fait un mal de chien, mais l’antidote atténue rapidement la douleur. Quelques minutes me suffisent pour recoudre la plaie. Je déchire ensuite le sachet d’une compresse pour l’appliquer sur la plaie, puis ouvre une boite de bandage pour protéger ma cuisse des saletés. 

Je crois qu’il est temps de repartir. Mes poursuivants ne tarderont pas à venir par ici. Je range mon bazar, attrape mon Mémo et m’installe plus confortablement contre le mur, le temps d’étudier mon itinéraire. Le vieil homme m'avait dit que leur destination immédiate était Nantes, et qu’une fois arrivés là-bas, ils comptaient quitter le pays pour gagner un lieu plus sûr. Le pauvre homme n'avait pas eu le temps de me dire quel était ce lieu - bien que j'ai ma petite idée sur la question - la balle qu'il avait reçue en pleine poitrine avait achevé son travail. Comme pour les autres, je lui ai creusé une tombe puis, dans un bloc de béton qui traînait à côté, j'ai gravé un signe composé de quatre cercles imbriqués les uns dans les autres. Lui aussi, je le vengerai, comme tant d'autres... trop à mon goût. 

J’analyse la carte des environs que m’affiche mon Mémo et lui demande une estimation du temps de trajet pour arriver à la prochaine grande ville. Parfait. Je devrais y être pour la tombée de la nuit.

Horizons poursuit son évolution à travers les méandres de la toile et grâce à de précieux retours de parfaits inconnus qui prennent un peu de leur temps pour s'arrêter. L'ère internet a aussi du bon...

mardi 2 avril 2013

Destins croisés - Episode 17


Après un bon quart d’heure de course effrénée, je ralentis le rythme et m’adossai à un tronc d’arbre. Une main se posa sur mon épaule. Surprise, je poussai un cri d’effroi et frappai l’homme qui tentait de me maîtriser. Au bout d’un moment, je compris qu’il essayait de me parler. 

- Calmez-vous ! s’écriait-il. Je ne vous veux aucun mal. 
- Que… 
- Nous sommes venus en finir avec ces maudits Enleveurs ! 

Je suspendis mon geste et regardai enfin l’homme qui se tenait devant moi. Il était grand, bien bâti et portait des vêtements plus sophistiqués que les Enleveurs et leurs prisonniers. Par-dessus sa chemise blanche, il avait endossé une veste à manche courte en cuir noir. Ses poignets étaient renforcés par des bandes de cuir et une épée s’appuyait contre sa hanche, solidement attachée à sa ceinture. Dans le noir, je distinguai vaguement des traits bien découpés, une mâchoire carrée et un regard pétillant. 

- Qui… qui êtes-vous ? balbutiai-je. 
- On m’appelle Taen. Et vous devez-être Eléonaure, n’est-ce pas ? 
- Comment connaissez-vous mon nom ? 
- Il y a un certain Eryck parmi nous qui vous recherche. Et je pense que vous correspondez bien à la description qu’il a faite de vous. Mais vous avez été salement amochée. 
- Erick… 

Alors il ne m’avait pas lâchement abandonnée en haut d’une falaise… Toute l’énergie que j’avais déployée pour me débattre eut raison de moi. Mes genoux fléchirent sous mon poids et je me laissai choir lourdement au sol. 

- Holà ! Doucement ! s’écria Taen en s’accroupissant à mes côtés pour me retenir. C’est fini maintenant. Tout ira bien. 

Ces mots me firent rire nerveusement. 

- J’en doute, murmurai-je en reprenant mon calme. J’ai comme la sensation que tout ne fait que commencer… 

Des étoiles dansèrent devant mes yeux et Taen retint ma tête qui roulait en arrière. Je l’entendais qui m’appelait, mais je n’avais pas envie de lui répondre. J’avais juste envie de m’allonger et de dormir, là, dans les sous- bois, au plus profond de la nuit d’un monde inconnu. Il me souleva dans ses bras et je fermai les yeux, me laissant rattraper par mes douleurs.

Une semaine chargée en émotion. Et une pensée. Profiter des personnes qu'on aime tant qu'elles sont là, car après, c'est trop tard.