vendredi 22 février 2013

Lueur d'espoir - Episode 15



Je me réveille en sursaut, le cœur battant à tout rompre. Un goût de sang me monte à la bouche tandis que je porte une main à mon ventre pour vérifier l’état de ma fine cicatrice. 

- Ça va Xalyah ? 

Nedj ! Je ne l’avais même pas remarqué alors qu’il était quasiment en face de moi. Prestement je retire ma main de sous mon tee-shirt et me lève en m’ébouriffant les cheveux. 

- Oui, oui, ça va. Merci. 

Le cadran de mon mémo indique six heures du matin. Il est temps de rassembler mes affaires. Quinze minutes plus tard, Khenzo, Jeremy, Tidji, Camélia, Nedj, Ed, et… Tim sont devant l’abris, leur sac à la main et prêts à partir. Les adieux sont brefs, mais derrière ces gestes froids je perçois l’émotion de chacun. Cela faisait plusieurs mois qu’ils vivaient ensemble et se protégeaient mutuellement, donc forcément ça créé des liens. Tim ne peut s’empêcher de faire remarquer avec rudesse qu’il part uniquement pour suivre Khenzo, et non pour m’aider ou me suivre. Le concerné lève un sourcil désapprobateur, mettant fin à la tirade ridicule de l’aîné. Je hausse les épaules ; qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Après tout chacun vit sa vie, et je ne lui ai rien demandé. 

La nuit a été très froide. Un paysage désolé et recouvert par cinq centimètres de poudreuse nous attend tranquillement tandis que les premiers rayons du soleil perce difficilement l’épais ciel gris qui recouvre la ville. L’hiver est enfin arrivé et il promet d’être particulièrement rude. 


Chacun s’emmitoufle dans ses vêtements les plus épais et dans le silence le plus total nous entamons notre première journée de marche. Alors que nous quittons progressivement la région parisienne, la vie semble de nouveau animer les rues des villes et villages que nous traversons. Paris et ses environs sont totalement sous le contrôle de Macrélois depuis presque douze mois. Seuls les partisans du PPNG circulent librement derrière les murs de la petite couronne. Les autres sont soit morts, soit détenus sous haute sécurité à l’abri des regards de la foule. Cela ferait désordre d’exposer en plein jour les multiples tortures et expériences qu’ils pratiquent sur leurs opposants. 

Il est courant de voir des patrouilles de PPNG jusqu’à cinquante kilomètres autour des chantiers du mur de la grande couronne, mais au-delà leurs excursions se limitent pour l’instant au strict nécessaire pour assurer leurs différentes missions. Alors certains habitants de la région s’essayent à reconstruire leur environnement, dans l’espoir qu’un jour, les choses reviendront peut-être à la normale. J’ai entendu parler de grandes exploitations remises en état depuis peu au sud de la Seine et Marne, et au nord du Val d’Oise. Quelques milices protègent ces secteurs clés et sécurisent les convois de marchandises pour alimenter le marché noir. Le groupe avec lequel je suis restée pendant quelques mois était l’une d’elle. Nous étions chargés de protéger une ferme et ses élevages et d’assurer la liaison avec les lignes des convois de marchandises. C’était une période assez étrange quand j’y repense. 

En fin d’après-midi, Nedj qui n’a cessé de bidouiller ses appareils depuis notre départ, nous annonce fièrement qu’il a sans doute trouvé de quoi nous déplacer plus vite. Sans nous donner la moindre explication sur la façon dont il s’y est pris, il nous informe que le rendez-vous a été fixé le lendemain à 15 heures dans une ville qui se trouve à soixante-dix kilomètres d’ici. 

- J’ai pas eu le choix, dit-il en levant les bras en l’air devant notre regard noir. 

Tim décide alors d’accélérer un peu la cadence car à ce rythme il est clair que nous n’y serons jamais. 

A la tombée de la nuit nous avons parcouru la moitié du chemin. Autant dire que je ne sens plus mes jambes. Le reste du groupe n’est pas en meilleure forme que moi non plus. Chacun s’étire et grogne dans son coin, maudissant Nedj de ne pas avoir su mieux négocier le lieu de rendez-vous. 

Ed finit par trouver un endroit à l’abri du vent et du froid pour dormir cette nuit. C’est avec soulagement que nous nous laissons glisser contre le mur ce cet ancien garage pour étendre nos jambes douloureuses. Camélia déniche un petit réchaud dans une armoire de l’arrière-boutique et fait chauffer un peu d’eau pour diluer un sachet qui lui donnera un goût de poulet et de pomme de terre. En cœur nos estomac gargouillent de faim en pensant au repas chaud qui nous attend : de l’eau chaude aromatisée ! On a rêvé plus consistant, mais faute de mieux ce sera suffisant. 

Après avoir mangé en silence, les garçons se regroupent autour de Jeremy qui sort un paquet de carte. Pour l’instant je n’ai pas envie de me mêler à eux. Toutes mes pensées sont tournées vers les miens en espérant qu’ils vont bien. 

Camélia et Tidji prennent le premier tour de garde à l’étage pour avoir une bonne vue sur la rue. Le silence règne à présent en maitre sur les environs ce qui me rend un peu morose. 

Le lendemain, nous partons à l’aube dans le silence le plus complet. Nous traversons plusieurs villages, et à chaque fois les habitants des lieux ferment les restants de portes et de volets sur notre passage. C’est vrai que nous sommes armés jusqu’aux dents, et je suppose qu’étant donné le climat actuel cela doit renforcer le sentiment d’insécurité de ces pauvres gens. C’est donc d’une humeur massacrante que nous atteignons le point de rendez-vous avec une heure et demie d’avance. Pour patienter, Jeremy sort à nouveau son jeu de tarot. Tidji, Nedj, Ed et Camélia s’empressent de le rejoindre. Certains pour prendre leur revanche, d’autres pour passer l’ennui. 

Je n’ai jamais été doué à ce jeu, et pourtant mon grand-père déployait beaucoup d’énergie pour que j’en comprenne toutes les subtilités, et ce, depuis mes six ans. Mais non, il n’y avait rien à faire. Les jeux de cartes ne m’ont jamais vraiment intéressée. La seule chose que j’aimais vraiment, c’était d’observer les joueurs de poker. Ce jeu basé entièrement sur le bluff m’intriguait beaucoup à l’époque. Au casino que possédait mon grand-père, il y avait un club de joueur de poker et j’y allais très souvent pour les regarder pendant des heures. Au bout de trois années d’observation j’étais capable de savoir qui mentait et qui disait la vérité. Aucune expression des visages des joueurs, qu’ils soient décontractés ou tendus ne m’échappaient. 

A l’âge de mes douze ans mon grand-père me fit appeler dans son petit bureau, tout en haut du casino. C’était une petite pièce avec de grandes baies vitrées, qui laissaient entrer la lumière à flot. Papi possédait un vieux bureau en bois d’époque, et un vieux sous-main en cuir vert l’ornait depuis toujours. Des photos de famille et du club de poker tapissaient les murs lambrissés. Alors que je m’installais dans le fauteuil confortable qui faisait face à son bureau, il m’apprit qu’il voulait que je l’aide à choisir les meilleurs joueurs de son club. Un grand tournoi international allait avoir lieu à Las Vegas dans quelques mois, et il avait l’objectif de décrocher le prix décerné pour cette occasion. « Une merveilleuse occasion de faire connaître notre casino », répétait-il tout au long de cette conversation. Bien entendu, j’étais fière que mon grand-père me confie cette tâche, et c’est avec ardeur que tous les soirs je passais au club pour l’aider à faire son choix. 

Six mois plus tard, Papi et son équipe embarquaient à bord du Queen Mary IV. Il m’appela cinq fois de Las Vegas pour me tenir au courant de l’avancée des joueurs que j’avais sélectionnés avec lui pour le tournoi. Après ce cinquième appel, je n’eus plus jamais aucunes nouvelles de lui. Il s’était tout simplement envolé. Aucun signe d’effraction dans sa chambre d’hôtel n’avait été relevé. Aucune trace de lutte. Ses affaires étaient soigneusement rangées et son plateau repas l’attendait dans le couloir. Mais pas de trace de Papi. Même si ses joueurs affirmaient être bien venus avec lui et l’avoir vu plusieurs fois, il n’apparaissait sur une vidéo de surveillance, le registre ne contenait pas son nom, aucune empreinte digitale ne fut retrouvée dans sa chambre, ni aucun ADN. Rien. Nada. Comme s’il n’avait jamais mis les pieds à Las Vegas. Sauf que la présence de ses affaires rangées et de sa valise sous le lit prouvait le contraire. Une enquête avait été ouverte par le FBI et un avis de recherche avait été lancé. Ma mère et mon père avaient fait plusieurs fois le voyage jusque là-bas, mais au bout d’un an, alors que rien n’avait évolué, les recherches cessèrent et l’affaire fut classée sans suite. Je ne sais même pas s’il était encore vivant au moment de la Rupture. Et si c’était le cas, a-t-il survécu ? 

Suite à sa disparition, ma mère reprit l’affaire de Papi, mais rapidement cela devint trop difficile pour elle, et elle finit par revendre le casino où son père avait passé toute sa vie. Peu de temps après les bombes explosèrent. Je ne crois pas qu’il reste grand-chose de cette vieille bâtisse de brique. Je n’ai pas eu l’occasion d’y retourné et je ne sais pas si j’en aurais le courage aujourd’hui encore. Parfois je me dis qu’il vaut mieux que je garde en mémoire les bons souvenirs liés à cet endroit.

J'ai décidé de poursuivre le récit comme ça car finalement il n'y a pas de changement fondamental. Quelques éléments historiques et quelques descriptions supplémentaires ainsi qu'un remaniement des dialogues. Cela devrait rester compréhensible, et après tout ce blog est un bac à sable, alors les pâtés ne sont pas forcément tous parfait.

J'ai encore du boulot pour savoir dessiner les mecs mais bon, je suis assez contente de ce premier essai (en même temps avec des réfs c'est plus facile vous me direz). Voici les différentes étapes qui m'on amené au résultat final :

1. Crayonné fait plus ou moins à l'arrache à partir de plusieurs photos de Falling Skies comme je le disais dans mon post précédent.



2. Line refaite sur toshop.


3. Correction de quelques erreurs d'anatomie (il en reste sûrement encore mais j'ai dû corriger le plus gros).


4. Rajout du fond et des textes.
Les derniers détails sont rajoutés ensuite pour la version finale que vous avez en haut du post.


[Edit : c'est mon 100ème post ici ! \o/]

mercredi 13 février 2013

Horizons - Être ou ne pas être... question existentielle et autres bêtises


Vu que j'ai "terminé" (c'est un bien grand mot) la première version de Destins croisés sur word et bien que je sois loin d'avoir tout mis ici (environ 24 pages sur les 125 déjà rédigées), je me disperse un peu à droite à gauche, remplissant mes carnets de nouveaux templiers (que je rajouterai ici à l'occasion), de fleurs, d'oiseaux (hé ouais faut me croire !), de bébés (ben il en faut pour tous les goûts...) et... et de la team d'Horizons que vous pouvez voir ci-dessus !

Pour ceux qui n'auraient pas reconnus c'est directement repris d'une photo de promotion de la série Falling Skies que j'ai découverte il y a peu. Dans Horizons il n'y a pas d'aliens, de rampants ou autres bizarreries, mais j'ai bien aimé l'ambiance, m'évoquant un peu celle de mon univers. La série n'est pas parfaite, mais elle a le mérite d'être bien réalisée pour son genre.

Bref tout ça m'a donné envie de me replonger un peu dans Horizons et de refaire quelques dessins à ce sujet. Sauf que... (bah oui sinon ce serait trop beau hein !), et bien en voulant faire ce post je me suis rendue compte que j'avais tellement retouché le texte depuis le dernier épisode mis en ligne que mettre la suite comme ça n'aurait pas eu beaucoup de sens. Si la syntaxe, les fautes, et les tournures de phrases ont été corrigé, j'ai aussi modifié des passages histoire de rendre l'univers et les personnages plus vivants (enfin en tout cas c'était le but à la base !).

Du coup, ça m'a donné envie de faire un petit parallèle entre deux passages (et puis de raconter un peu ma vie aussi sinon c'est pas drôle) pour voir si j'ai réellement évolué ou si j'ai juste envie de m'auto-envoyer des fleurs. Donc je ressors la v1 de l'histoire qui date de novembre 2011 et la v2 qui date de... bah maintenant en fait, pour les passages les plus récents. Et rassurez-vous la véritable v1 (qu'on appellera intimement la v0 date en réalité de 2004... un vieux carnet... les années passent hein).

Ce passage est inédit et se situe quelques jours après l'épisode 14.


Donc version datant de 2011 :


Je rêvasse ainsi, jusqu’à ce qu’une grosse moto volante et une énorme Jeep arrivent à pleine vitesse sur la place. Les deux engins se garent près de la fontaine délabrée. L’homme de la moto descend, il est d’une stature imposante, sa tête est recouverte d’un béret, son visage balafré inspire la peur, et sa mâchoire carrée semble de fer. Ses bras nus jouent les mécaniques et les reflets chocolat de sa peau luisent à la pâle lueur du jour. Un bataillon de chaînes en or et en argent orne son torse musclé. Son pantalon de cuir craque au moindre de ses mouvements et ses grosses chaussures noires couinent à chaque pas. Il armé d’une mitraillette à baïonnette et d’un sourire à faire pâlir un mort. 

La porte de la Jeep s’ouvre et un deuxième homme en descend. Plus fin de carrure que son acolyte, il est chauve avec un grand tatouage d’aigle sur le front. Il porte un lourd manteau noir en cuir qui le couvre jusqu’à mi-mollet. Des lunettes de soleil masque son regard, et son menton pointu darde dans notre direction. Ses bottes métalliques claquent sur le sol et résonnent dans l’air, jusqu’à ce qu’il s’arrête à la hauteur de Tidji.

- Alors cousin. Quoi de neuf ? sa voix grave s’élève dans l’air glacial. 
- C’est celle-là ? demande Tidji en pointant du doigt la Jeep. 
- Ouais mon frère. Elle est à toi… et aux autres, déclare-t-il en nous regardant par-dessus ses lunettes noires. Son regard est aussi froid que l’air. 

Il fait le tour du petit groupe que nous formons, s’attarde devant Camélia pour la reluquer, puis s’arrête à nouveau devant Geremy. 

- T’as quel âge gamin ? 
- Quatorze. 

Réponse brève accompagnée d’un grand sourire. 

- Depuis quand t’engages des mioches Tidji ? 
- Laisse-le tranquille Neil. C’est lui qui a voulu venir. Et puis je n’ai engagé personne. Je ne suis pas responsable de lui. 
- Qui alors ? Tu sais pourtant bien que je ne traite qu’avec les responsables, et non avec les sous-hommes. 

Tidji hésite, c’est vrai que nous n’avons pas pensé à cet aspect-là. 

- Ce… c’est Xalyah, lâche-t-il au bout d’un moment. 
- Qui ça ? 
- Xalyah. C’est moi. 

Je fais un pas en avant. Neil me regarde des pieds à la tête et s’avance vers moi.

- Alors mignonne, qu’as-tu à me proposer pour ce petit bolide ? 
- Deux milles. 
- Deux milles ? Te fous pas de ma gueule, tu sais que ça veut beaucoup plus, d’autant plus que c’est le dernier modèle. 
- Et ? je joue la fille ignare qui ni connaît rien. Il faut bien tenter sa chance. Je lui souris à pleine dent. 
- Et… deux milles euros c’est ridicule comme prix. Cette Jeep en vaudrait au moins trente milles en temps normal. Au regard de la conjoncture actuelle, je veux bien baisser de moitié le prix, mais deux milles euros c’est dérisoire. 
- Deux mille cinq cents alors ? je minaude un peu comme si j’étais la dernière des cruches. 
- Tidji, d’où elle sort cette femme ? demande Neil d’un air perplexe. 

Tidji hausse les épaules, mais une fois que l’homme se retourne à nouveau vers moi, il lève un pouce en direction du ciel et me fait un clin d’œil. 

- Non, je ne peux pas te la laisser à ce prix-là. 
- Trois milles alors ? C’est tout ce qu’on a, dis-je l’air contrite. 
- Bien sûr. Vous êtes huit, et vous n’avez que trois milles euros sur vous. Je ne te crois pas un instant. 
- La vie n’est pas facile ces derniers temps. C’est à prendre où à laisser. 

Neil fronce le nez, et derrière ces lunettes noires je l’imagine fixant le ciel gris pour réfléchir. Je ne pense pas qu’il réussisse à vendre sa Jeep à quinze milles euros. Personne n’aurait une telle somme à dépenser pour ça. Peut-être que trois milles euros c’est dérisoire, il n’empêche qu’il ne trouvera pas forcément mieux ailleurs. Et est-ce que cela vaut vraiment le coup de traverser la France pour aller la vendre sachant que le coup du voyage serait élevé. Tout dans son attitude me fait penser qu’il va accepter. Ses épaules se voûtent un peu, et ses doigts jouent avec un bouton de son manteau. 

- Quatre milles ? demande-t-il dans un dernier espoir. 
- Trois milles et pas un centimes de plus. 
- Bien… bien… marché conclu, soupire-t-il. Je ne prends que du cash. 

Je sors six billets de cinq cents euros de mon portefeuille. Il doit me rester pas plus de mille euros. Les temps sont durs, et à ce rythme-là je vais avoir de sérieux problèmes. Peut-être qu’il faudra que je m’engage à nouveau dans quelques milices armées pour que je puisse me remplir un peu le porte-monnaie. 

- Bon mon frère, prend soin de toi, et puis à l’occasion, si tu passes dans le coin, viens me voir. 
- Oui, si je passe par là, je ne t’oublierais pas. 
- A plus la compagnie ! s’écrie Neil en repartant d’un pied ferme vers la moto. 
- Neil… déclare Tidji sur un ton de reproche. 
- Quoi ? 
- Tu n’oublies pas quelque chose ? 
- Si j’oublie… Ha oui ! Excuse-moi vieux ! 

L’homme chauve fouille dans ses poches puis envoie en l’air les clefs de la voiture. Tidji les attrape en vol et fait un signe de tête à Neil. 

L’autre homme armé d’une mitraillette n’avait pas bougé de tout l’entretient. Alors que Neil arrive à sa hauteur, il enfourche la moto et fait vrombir le moteur. Neil s’assoit derrière lui, et les deux hommes s’envolent à quelques mètres du sol. Après un dernier signe de la main, les deux hommes filent à toute vitesse, et bientôt le bruit du moteur se perd dans l’air.



Et voici la nouvelle version de 2013 :


Le bruit d’une grosse moto me sort de ma rêvasserie. Une énorme Crossover de couleur noir mat la suit de près sans un bruit. Les deux engins déboulent ainsi à toute vitesse sur la place pour s’arrêter en un dérapage spectaculaire et poussiéreux. L’homme perché sur la moto descend lentement. Il est très imposant, d’une stature digne des meilleurs marines des USA, sa tête est recouverte d’un béret vert couché à droite avec une insigne étincelante à gauche, son visage balafré lui donne un air sinistre et sa mâchoire carrée semble de fer. Ses bras nus tatoués roulent des mécaniques et les reflets chocolat de sa peau luisent à la pâle lueur du jour. L’archétype même du commando marine de l’armée française et fier de l’être. Un bataillon de chaînes en argent orné de plaque miliaire se balance sur son torse musclé. Son pantalon de toile verte se tend au moindre de ses mouvements et ses grosses rangers noires couinent à chaque pas. Il armé d’une mitraillette à baïonnette d’un autre âge et d’un sourire à faire pâlir un mort. 

La porte côté conducteur du Crossover s’ouvre et un deuxième homme fait son apparition. Plus fin de carrure que son acolyte, il est chauve avec un grand tatouage d’aigle sur le front. Il porte un lourd manteau noir en cuir qui le couvre jusqu’à mi mollet. Des lunettes de soleil masquent son regard, et son menton pointu darde dans notre direction. Ses bottes métalliques claquent sur le sol et résonnent dans l’air, jusqu’à ce qu’il s’arrête à la hauteur de Tidji. 

- Alors cousin. Quoi de neuf ? sa voix grave s’élève dans l’air glacial. 
- C’est celle-là ? demande Tidji en pointant du doigt la voiture. 
- Ouais mon frère. Elle est à toi… et aux autres, déclare-t-il en nous regardant par-dessus ses lunettes noires. Son regard est aussi froid que l’air. 

Il fait le tour du petit groupe que nous formons, s’attarde devant Camélia pour la reluquer, puis s’arrête à nouveau devant Jeremy. 

- T’as quel âge gamin ? 
- Quatorze. 

Le môme garde son aplomb et bombe le torse fièrement, sourire en coin. 

- Depuis quand t’engages des mioches Tidji ? 
- Laisse-le tranquille Neil. C’est lui qui a voulu venir. Et puis je n’ai engagé personne. Je ne suis pas responsable de lui. 
- Qui alors ? Tu sais pourtant bien que je ne traite qu’avec les responsables, et non avec les sous-hommes. 

Tidji sert les dents, retenant une réplique acerbe. 

- Ce… c’est Xalyah, lâche-t-il au bout d’un moment. 
- Qui ça ? 

Je foudroie Tidji du regard. Il n’a jamais été question que je sois responsable de qui que ce soit ici. Mais pour ne pas empirer la situation je fais un pas en avant. Neil me regarde des pieds à la tête et s’avance vers moi.

- Alors mignonne, qu’as-tu à me proposer pour ce petit bolide ? 
- Deux milles YES. 
- Deux milles ? Te fous pas de ma gueule, tu sais que ça veut beaucoup plus, d’autant plus que c’est le dernier modèle. 
- Et ? 

Je croise les bras et reste impassible devant l’homme qui commence à bouillir devant moi. 

- Et… deux milles YES c’est ridicule comme prix. Ce Crossover en vaudrait au moins trente milles en temps normal. 
- Deux mille cinq cents alors ? 

Neil s’avance vers moi l’air menaçant. 

- Me prend pas pour un con. Je ne descendrais pas en-dessous de quinze mille. 
- Trois milles. C’est tout ce qu’on a de toute façon. 
- Te paye pas ma tête. Vous êtes huit. 
- Je ne vois pas le rapport. Nous n’avons que trois mille alors c’est à prendre ou à laisser si tu veux te débarrasser de ce Crossover. 
- Je ne veux pas me déb… Mais d’où tu sors toi ! C’est pas comme ça qu’on négocie normalement. 
- Ne m’engage pas sur le débat de la normalité, on va y passer des heures sinon. 

Neil fronce le nez, et derrière ces lunettes noires je l’imagine fixant le ciel gris pour réfléchir. Je sais qu’il veut se débarrasser de ce Crossover. Tout dans son attitude me crie qu’il a besoin de fric tout de suite. Et dans ces cas-là, trois mille c’est mieux que zéro. Et honnêtement, je ne pense pas qu’il réussisse à vendre ce bolide pour quinze milles YES. Personne n’aurait une telle somme à dépenser pour ça. Ses épaules se voûtent un peu, et ses doigts jouent avec un bouton de son manteau. 

- Quatre milles ? demande-t-il dans un dernier espoir. 
- Trois milles et pas un centime de plus. 
- Bien… bien… marché conclu, soupire-t-il. Je ne prends que du cash. 
- Ce n’est pas un problème. 

Je sors six billets de cinq cents de mon portefeuille. Il doit me rester un peu plus de mille YES. Les temps sont durs, et à ce rythme-là je vais avoir de sérieux problèmes. 

- Bon et bien à plus la compagnie alors, s’écrie l’homme en repartant d’un pied ferme vers la moto. 
- Neil… déclare Tidji sur un ton de reproche. 
- Quoi ? 
- Tu n’oublies pas quelque chose ? 
- Si j’oublie… Ah oui ! Excuse-moi vieux ! Où avais-je la tête. 
- On se le demande, marmonne Tim qui avait réussi à garder sa langue dans sa poche jusqu’à maintenant. 

L’homme chauve fouille dans son manteau puis envoie en l’air les clefs de la voiture. Tidji les attrape au vol et fait un signe de tête à Neil. 

L’autre homme armé d’une mitraillette n’avait pas bougé de tout l’entretien. Alors que Neil arrive à sa hauteur, il enfourche la moto et fait vrombir le moteur. Son acolyte s’assoit derrière lui, et les deux hommes déguerpissent à toute allure.

Bilan (accompagné de roulements de tambour) :

Ce n'est pas flagrant et "y a encore du taff !" comme dirait l'autre, même si j'ai l'impression d'avoir un peu amélioré mes dialogues. Donc si je ne m'auto-envoie pas de tomates, les fleurs seront néanmoins pour une autre fois.

Tout ça pour savoir est-ce que ça vaut le coup d'éditer mes épisodes avec la nouvelle version pour continuer l'histoire ici ? Ouvrir un autre blog ? Un site en parallèle de ce blog-ci ?

Si vous avez un avis sur la question ça m'intéresse.

dimanche 3 février 2013

Destins croisés - Episode 14



***

Je me réveillai un peu plus tard dans la journée. L’une des prisonnières était penchée au dessus de moi, et essuyait le sang qui avait coulé le long de ma tempe. Je l’observai un moment, les paupières mi-closes ; elle devait approcher la trentaine, les cheveux châtains clairs attachés en queue de cheval, de grands yeux verts, des taches de rousseur rehaussant la ligne d’un nez fin, et une bouche pulpeuse. A n’en pas douter, elle aurait fait fureur dans mon monde. 

Voyant que je reprenais connaissance, elle s’écarta et se rassit contre les barreaux de la cage. Je regardais les autres prisonniers ; ils arboraient tous la même mine triste et fatiguée. Les femmes étaient vêtues de longues jupes et portaient une chemise ample serrée à la taille par une bande de tissus fin pour la plupart de couleur vive. Un fichu de la même couleur que leur ceinture retenait leurs cheveux en queue de cheval. Les hommes étaient vêtus à peu près de la même façon. A la place de la jupe, ils portaient un pantalon rentrés dans des bottes en tissus ou en cuir qui s’arrêtaient à mi-mollet. Ils avaient tous le teint hâlé, comme s’ils avaient l’habitude d’être exposé au soleil. 

- Où nous emmènent-ils ? demandai-je d’une voix pâteuse. Que vont faire ces hommes de nous ? 
- Tu n’as jamais entendu parler des Enleveurs ? s’étonna la femme qui s’était penchée au-dessus de moi, en insistant sur le dernier mot. 
- Des enleveurs ? répétai-je. Qu’est-ce que c’est ? 
- Cela fait plusieurs mois qu’ils courent la campagne pour enlever les paysans, répondit un jeune homme aussi épais qu’une brindille. 
- On raconte qu’ils les emmènent jusqu’à la frontière sud, et qu’ils les vendent comme du bétail aux Dabaïens. C’est le sort qui nous attend, chuchota une femme brune en frissonnant. 

Je me redressai péniblement et agrippai les barreaux de la cage, qui tanguait sous l’impulsion des grandes créatures. Des Enleveurs ? Se faire vendre à des Dabaïens ? Dans quelle merde étais-je ? J’observai longuement les hommes qui encadraient le convoi. Ils étaient tous taillés dans le roc, et leur attitude agressive me dissuadait de tenter quoique ce soit frontalement. De plus, ils avaient l’air plutôt organisés. De temps en temps, deux d’entre eux partaient devant en reconnaissance. Ils revenaient une heure plus tard en hochant la tête positivement. Cinq autres hommes encadraient étroitement le convoi, et les derniers s’espaçaient d’une cinquantaine de mètres pour surveiller les environs, si bien que la plupart du temps je les perdais de vue, pour les voir réapparaitre de temps en temps dans les sous-bois alentour. Je devrais la jouer fine si je voulais me sortir de ce mauvais pas. Lasse de les regarder, je ramenai mes genoux contre ma poitrine en soupirant. Merci Erick. 

- Comment t’appelles-tu ? demanda alors la femme aux cheveux châtains. 
- Eléonaure. Et toi ? 
- Eléonaure ? Ce n’est pas commun. Je m’appelle Sarizine, et je viens du village de Tenezco. Et toi d’où viens-tu ? ajouta-t-elle alors que je gardais le silence. 
- Pari, répondis-je d’une voix lointaine. 
- Pari ? Où est-ce ? demanda un jeune homme aux cheveux couleur carotte. 
- Loin. A des années lumières d’ici. 

Devant mon air maussade les questions s’arrêtèrent. Je sentais les regards pesés sur moi. Accoutrée comme je l’étais et la peau blanche, j’intriguais tout le monde. Je fermai les yeux et tentai de faire le vide dans mon esprit.

Et voilà le work in progress terminé.

jeudi 31 janvier 2013

Destins croisés - Episode 13



***

Quelque chose me palpa le bras avec prudence. 

- Elle est vivante ? demanda une voix bourrue. 

- Je crois bien qu’oui, répondit une autre plus jeune. 

Des mains me fouillèrent alors sans ménagement. Je bougeai et ouvris les yeux. Un jeune garçon, d’une quinzaine d’année, le visage sale et boutonneux, était en train de me presser la poitrine. Je me relevai prestement et pris mes distances alors qu’il affichait un sourire édenté. Un autre homme m’attrapa alors par la taille pour me soulever du sol. 

- T’as l’air plutôt alerte. Une fois remise, tu f’ras l’affaire. 

C’était celui à la voix bourrue. D’où j’étais je ne voyais que son dos couvert de cicatrices et ses cheveux noirs, long et gras. Il empestait l’alcool et la sueur. 

- Lâchez-moi tout de suite ! criai-je en me débattant. 

Petit et gros il n’en avait pas moins une poigne de fer, et ne lâcha pas prise. Je renonçais à me débattre pour l’instant ; épuisée et à bout de force je n’irai pas loin. D’un pas tranquille il avançait en direction d’une cage sur roulette, tirée par deux immenses créatures noires. Au fur et à mesure qu’il s’en approchait j’en discernai avec stupéfaction son contenu ; une dizaine de personnes, pour la plupart jeunes, étaient enfermées à l’intérieur. Tous avait le visage et les vêtements sales, comme si cela faisait plusieurs jours qu’ils étaient enfermés. Ils regardaient la scène d’un air triste en évitant de croiser mon regard. Tout autour, une dizaine d’hommes armés de pics en métal et de gourdins encadraient la cage. Certains portaient de lourds paquetages sur leur dos. D’autres tenaient d’étranges créatures grises, plus petites et avec de longues oreilles, à l’aide d’une corde de cuir. Celles-ci croulaient à moitié sous des montages de sacs en toiles grossières. 

- Lâchez-moi, vous n’avez pas le droit ! criai-je à nouveau. 

- On se calme ma p’tite dame, déclara calmement l’homme qui me portait en claquant sa main sur mon postérieur. 

Les hommes rirent à gorge déployée en me voyant me débattre vainement. 

- Tu as le chic pour choisir les plus sauvages Baron ! s’écria l’un d’eux en ouvrant la cage. 

- Ce ne sera pas pour déplaire aux Dabaïens, crois-moi, répondit l’intéressé tout en me déposant au sol. 

Ils durent s’y prendre à trois pour me faire entrer de force. Je n’avais aucune envie de subir le sort des autres prisonniers qui me regardaient d’un air effaré, donc il n’était pas question que je me laisse faire. Excédé, le dénommé Baron me frappa à la tête avec son gourdin, et je perdis connaissance.

Petit work in progress du moment !

lundi 28 janvier 2013

Inepties


Heureusement.
Aujourd'hui est l'un des plus beaux mots de la langue française. Oh jour ! Au jour d'aujourd'hui !
Courant sur la langue sablée du rivage, les mots nous emportent dans ce fabuleux voyage des rêves. Récits, vrais ou fictifs, nous emmènent vers des destinations inconnues où les récifs sont autant d'anecdotes intrigantes. Parfois cocasses, parfois dramatiques, souvent épiques, ces contes aux mille et un visages nous transportent vers des lieux merveilleux.
Et ces rêves partagés deviennent alors réalité. Dans nos esprits se forment et se déforment ces destins incroyables. Nous leur donnons vie, vibrant avec eux durant leurs épopées.
Mais parfois, nous nous sentons ridicules d'écrire des inepties qui n'ont que peu de sens pour les autres. Car les mots, ceux que l'on dit comme ceux que l'on écrit n'ont de sens que pour ceux qui cherchent à leur en donner et à porter en eux cet espoir de liberté. Nos esprits, ainsi libérés, errent alors dans les méandres des histoires sans fin.
N'import'nawak comme dirait l'autre.

Et il aurait raison.

mercredi 2 janvier 2013

Destins croisés - Episode 12






*** 



La tempête faisait rage sous mon crâne depuis un long moment déjà, et j’étais seule, allongée dans une position inconfortable. Je roulai sur le coté pour me mettre sur le ventre et ouvris les yeux ; j’étais sur un sol caillouteux et inégal. Je me redressai sur les mains et mis un genou à terre. A première vue j’aurais dit que mon environnement ressemblait à l’image que je me faisais d’une grotte, mais plongée dans la pénombre je n’étais sûre de rien. Je m’appuyai contre une paroi poisseuse et glissante pour me relever entièrement, alors qu’une odeur nauséabonde parvint à mes narines. L’air étouffant charriait des bruits lointains de vie sauvage. Je portai une main à ma tête puis à mon nez ; elle sentait le sang. Ce salaud d’Erick m’avait laissée ici, pensant que j’allais crever comme une chienne ! Je le maudissais de toutes mes forces lui et tout ce qu’il avait engendré. Qu’il aille au diable ! Ses pensées ne me réconfortèrent guère et d’un pas mal assuré je sortis de la grotte. L’obscurité était tombée telle une chape de plomb sur le paysage que je découvrais. La lune éclairait faiblement une plaine boisée, parsemée ci et là de prairie et de champ. Je pouvais deviner quelques maisonnées regroupées en contrebas d’une falaise, de l’autre coté de la vallée ; de la fumé devait s’échapper de leur cheminé et de faibles lueurs vaciller aux fenêtres. Etait-ce le monde d’Erick ? 

Je regardais à mes pieds et constatai, à la clarté de la lune, et avec découragement, que j’étais sur une corniche située à des dizaines de mètre au-dessus du sol. J’inspectai les bords à la recherche d’un chemin, mais je ne trouvai rien. Au bout d’un long moment d’hésitation je finis par balancer mes jambes au-dessus du vide, pour me saisir d’une large saillie dans la roche. Je ne tenais pas à moisir ici en attendant qu’un prince charmant me ramène chez moi. 

Je n’avais, pour ainsi dire, jamais pratiqué de sport qui ressemble de près ou de loin à de l’escalade en pleine nature, je devais donc évoluer lentement, m’assurant un appui sûr à chaque nouveau geste, car je n’avais aucune envie de finir aplatie contre les rochers en contrebas qui dressaient leurs arrêtes coupantes et menaçantes vers moi. Oui, malgré la pénombre je n’imaginai sans aucun mal ce qui m’attendait en bas. J’avais la trouille de regarder sous mes pieds. La clarté de la lune me permettait d’y voir suffisamment pour choisir mes prises. Je redoutais le pire à chaque fois que mon pied trouvait une nouvelle encoche, mais je ne pouvais plus faire machine arrière. L’humidité de la nuit rendait la poussière rocheuse collante et je dus m’essuyer les mains plusieurs fois sur mon jean avant de poursuivre de peur qu’elles ne glissent sur la paroi. 

Cela faisait une éternité à présent que j’étais agrippée au-dessus du vide, et je devais avoir parcouru une centaine de mètre. Mes muscles étaient aussi raides que du bois, et mon épaule blessée ne me facilitait pas la tâche ; je sentais mes forces décliner inexorablement. Alors ce qui devait fatalement arriver, arriva. Mon pied glissa sur une pierre roulante et mes doigts ne furent pas assez rapides pour attraper la prise suivante. Je glissais contre la paroi, m’écorchant tout le corps jusqu’au sang. Mon chemisier finit par s’accrocher sur une arrête et pendant un instant ma course effrénée vers la mort ralentit. Néanmoins, les tissus trop fragiles ne résistèrent pas longtemps sous mon poids. Je tendis mes mains, essayant désespérément de me raccrocher à quelque chose ; ce geste me sauva sans doute la vie car mes mains trouvèrent une grosse pierre plate. La panique s’empara de moi, si j’avais stoppé ma chute momentanément je n’en étais pas moins sortie d’affaire : suspendue par une seule main je pendais lamentablement dans le vide. Et pour couronner le tout je sentis à nouveau du sang couler le long de ma tête jusque dans mon cou. Je fis un effort surhumain pour attraper la pierre avec mon autre main et stabiliser ainsi le mouvement de mon corps. Des étoiles vrillèrent devant mes yeux, ce n’était pas le moment de perdre connaissance ! Je savais que je ne tiendrais pas longtemps, les crampes agressaient tous les muscles de mon corps et mes pieds glissaient toujours contre la paroi, incapables de trouver appui. La peur de mourir refit surface et ma courte vie défila dans ma tête ; j’avais tout perdu il y a déjà tant d’année, alors à quoi bon ? Mes mains lâchèrent prise. 

Mes pieds touchèrent plus rapidement le sol que je ne l’aurais pensé. A bout de force je tombai à genou sur la petite corniche qui m’avait sauvée d’une fin atroce. Je roulai sur le dos et fermai les yeux pour calmer ma respiration saccadée. Il s’en était fallut de peu ! Après un long moment, je me sentis suffisamment apaisée pour risquer un coup d’œil vers le bas. Avec soulagement je constatai qu’il ne restait plus qu’une trentaine de mètres à descendre. Tout mon corps me lançait, mais un regain d’énergie me permit d’entamer la fin de ce maudit parcours, avec un peu plus d’optimisme. Je redoublai de vigilance, vérifiant toujours deux fois l’état de mes prises avant d’y peser tout mon poids. Il me fallut presque autant de temps pour effectuer ces trente mètres que pour les cent premiers. Mais j’avais décidé de remettre à plus tard l’option de me rompre le coup. Le deal était d’arriver en bas, en un seul morceau. 

L’aube pointait le bout de son nez quand je posai enfin un pied sur l’herbe fraîche de la prairie. Je me laissai choir sur le dos, et fermait les yeux, à la fois heureuse d’être encore en vie, mais également furieuse contre Erick. Pourquoi m’avoir entrainée dans son monde pour m’abandonner si vite ? J’arrachai une touffe d’herbe et frappai rageusement le sol. Au bout d’un moment je me relevai pour constater les dégâts. Mon épaule s’était remise à saigner. Mon chemisier, qui n’en avait plus que le nom était en lambeau, laissant apparaître les éraflures que m’avait laissées la roche. Certaines étaient profondes et continuaient de saigner. Mon jean était déchiré au niveau de mes genoux qui n’étaient pas en meilleur état, et mes mains étaient en sang. Après ce bilan désastreux, je décidai de m’oublier un instant pour me concentrer sur mon environnement. Les premiers rayons du soleil perçaient au-dessus de la cime des arbres qui entourait la vallée. Une douce lumière orangée caressait la forêt qui venait jusqu’au pied des falaises, tandis qu’en contrebas elle s’élargissait en un large demi-cercle. Les terres semblaient cultivées, et au loin je crus apercevoir le bout d’un enclos avec quelques bêtes. 

L’air était d’une pureté incroyable et les couleurs éclatantes. Je me surpris à respirer à plein poumons avec délice. Des odeurs variées arrivèrent jusqu’à mes narines, sans que je puisse les reconnaître  L’herbe était d’un vert vif et flamboyant, le vent d’une douceur improbable, et le ciel se parait d’un dégradé flamboyant jusqu’à un bleu azur comme je n’en avais jamais vu. J’étais bien loin de ma Cité verdâtre et malade. Cet univers semblait transpirer d’une énergie débordante. 

Revigorée, je me dirigeais vers la lisière de la forêt. D’où j’étais, il me semblait entendre le bruissement lointain de l’eau, ce qui décupla ma soif. J’avançais avec difficulté, pour traverser l’étroite bande que formait la vallée à cet endroit, mes ballerines noires glissant sur la rosée que le petit matin avait déposée sur l’herbe. Dans le sous-bois les odeurs étaient encore différentes. Mes pieds s’enfonçaient dans l’épais tapis de feuilles et de brindilles qui jonchaient le sol. Je tendis l’oreille et me laissai guider par le bruit du courant d’eau. A plusieurs reprises de petits rongeurs détalèrent devant moi pour se réfugier sous les taillis. A chaque fois je sursautai, portant une main à mon cœur qui battait la chamade. C’est donc avec prudence que j’approchais de la rivière. L’eau était si limpide que je la fis couler pendant de longues minutes à travers mes doigts pour bien l’observer. De temps en temps un poisson venait frétiller près de la berge pour repartir aussitôt et se laisser porter par le courant. Ce monde était si curieux et déroutant. Je pris mon temps pour laver le sang de mes bras et mes mains, et bus de grande gorgée d’eau. Le liquide frais me fit l’effet d’un baume apaisant. Épuisée  je m’allongeais sous l’ombre des arbres, à coté du cours de la rivière, en laissant une main dans l’eau. Puis je fermai les yeux et me laissai bercer par ces bruits si nouveaux et tellement apaisants.


Que le bonheur et la paix nous accompagne tout au long de nos périples. Que les souffrances s’apaisent pour nos proches. Que le soleil brille dans nos coeurs. Que cette année soit encore meilleure que la précédente et que nos souhaits les plus chers se réalisent.

*Mes meilleurs voeux à vous tous*

mardi 18 décembre 2012

Soir d'orange




J’ai trente et un an. Depuis hier. Tout dans la vie m’a réussi jusqu’à présent. J’ai fait de brillantes études scientifiques. J’ai rapidement obtenu un poste dans une entreprise novatrice. Je me suis marié il y a quatre ans. J’ai acheté un appartement de haut standing. Et ma dernière acquisition est ce magnifique cabriolet rouge mat avec une bande blanche brillante qui souligne sa silhouette coupée sport. Jusqu’à présent. Car il y a peu j’ai été muté à la tête d’un projet où, même si sur le papier ça avait l’air prometteur, aucun moyen ne m’était mis à disposition pour je puisse atteindre mes objectifs. Une impasse. Ou un placard déguisé. Au choix. Et ma femme, Lucie… Charmante au départ, elle se révèle être un véritable enfer dans ma vie, vampirisant tout ce qui peut m’appartenir de près ou de loin. De très loin maintenant. Alors j’ai décidé de prendre le large. Quinze jours de vacances dans la maison familiale laissée par ma mère il y a dix ans maintenant. Mon seul jardin secret. Lucie n’y a jamais mis les pieds et elle ne le fera jamais. Et ce n’est pas moi qui la forcerais. Dix ans que je la remets en état, mur par mur, sol par sol, meuble par meuble. Perdue au milieu des bois, et éloignée de la civilisation hurlante qui nous étouffe de son hystérie et de sa folie, c’est mon havre de paix. Le seul endroit qui me raccorde avec moi-même. 

Sur le siège arrière, Théo lance un aboiement désespéré. Plus de huit heures de route auront finalement eu raison de sa patience d’ange. Théo, le dernier caprice de ma femme Lucie. Pour faire comme Amanda et Julie. Fait donc. Mais elle ne fit pas, et j’eus tellement pitié de cette petite boule de poil qui n’avait rien demandé que je la pris sous mon aile pour ces quinze jours. Une bouffée d’air pour lui et pour moi. Entre homme. Si je puis dire. 

Je pris un virage sec à toute allure, profitant de la région désertique pour entendre le moteur rugissant de ce petit bijou de technologie. J’aurais pu me contenter d’un vieux tacot qui ne m’aurait pas coûté un clou. J’aurai pu. Mais j’ai préféré céder à l’irrésistible envie de flamber devant les yeux insondables de cette forêt sombre et attirante qui nous enveloppe comme une mère protège son enfant dans ses bras. 

Après quelques virages supplémentaires, je passais enfin le pont de pierre qui menait à l’entrée de mon domaine. J’avais récemment fait installer une barrière neuve pour délimiter mon havre de paix, et je fus contrarié de constater qu’elle était déjà ouverte. Je m’engageai sur le sentier de terre et de gravier et roulais sur une cinquantaine de mètres avant de m’arrêter devant la porte du garage. Une Land Rover d’un noir étincelant était garée quelques mètres plus loin sur la pelouse. Je ne voyais pas à qui elle pouvait appartenir, et c’est avec appréhension que je fis descendre Théo de la voiture. Comme un enfant innocent il courut en glapissant de joie pour marquer son nouveau territoire. Bienvenu à la maison Théo. 

Je sortis mon sac de voyage noir du coffre pour le poser sur la balancelle de la terrasse couverte tout en jetant un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine, mais il semblait que personne n’ai franchi le seuil de la porte car elle était toujours verrouillée. Théo me rejoignit alors que j’inspectais le bas de la maison. La cuisine et le salon était encore en chantier, mais ça commençait à prendre forme, peu à peu. Et j’espérai bien terminer cette partie les quinze jours à venir. Il ne me resterait plus que le garage et le cabanon de jardinage à remettre en état. La rénovation de cette maison était ma construction personnelle. A mesure qu’elle prenait forme je m’apprivoisais, comprenant qui j’étais et ce que je voulais. Ce que Lucie ne comprendrait jamais. 

Toujours inquiet par la présence de la Land Rover sur mon terrain, je passai par le garage et prit le fusil de chasse qui avait appartenu à mon père. Un jour. Et, Théo sur les talons je passai par l’arrière pour explorer mes terres à la recherche de mes hôtes mystérieux. Au détour d’un sentier qui menait vers les sous-bois je découvris une tâche de sang frais sur le sol. La première d’une longue série qui m’enfonça un peu plus dans l’épaisseur de cette mère à la fois sombre et bienveillante. Le cœur battant la chamade je gravis une petite butte persuadé que je trouverai la réponse à mes questions derrière. J’épaulai mon fusil chargé, avançant en silence sur la mousse humide. Et c’est là que je la vis pour la première fois.

***


Voici une deuxième nouvelle presque achevée. Elle a un début, un milieu et une fin... mais elle n'est pas parfaite ! J'aimerai bien retravailler la fin qui arrive un peu trop vite et modifier quelques petites choses. Mais c'est déjà un bon début je trouve. Si ça vous intéresse d'en lire un peu plus vous trouverez les 8 premières pages ici

jeudi 15 novembre 2012

Destins croisés - Episode 11


Alors que nous débouchions sur une petite clairière Erick s’arrêta brusquement et regarda autour de lui, aux aguets. Il me fit signe de garder le silence et partit inspecter les environs. Tandis qu’il s’éloignait, une ombre passa derrière moi. Je me retournai vivement, tous les sens en alerte. Sans autre formalité l’ombre se matérialisa dans mon dos et m’attrapa par les cheveux. Je poussai un hurlement de rage et m’égosillai à pleins poumons pour prévenir Erick, mais la masse de muscle me broya la mâchoire pour m’empêcher de crier. A ce moment, une autre silhouette passa dans les fourrés devant moi et se jeta sur mon assaillant. Je roulai au sol et me relevai tant bien que mal. Erick était aux prises avec un colosse encore plus impressionnant – si c’était possible – que Joastin ; il portait le même accoutrement étrange en métal, des gants de cuir recouvraient ses avant-bras et une large épée pendait à sa ceinture. Erick évita deux crochets du gauche en une adroite roulade. Il se releva, alerte, et balança son pied droit en direction de la tête du soldat. L’homme encaissa le choc sans ciller et repartit à la charge un poignard bien ancré dans une main. Alors qu’Erick esquivait lestement les attaques lourdes et peu précises du molosse, je cherchai frénétiquement autour de moi quelque chose qui aurait pu me servir d’arme. Je trouvai un long morceau de bois, l’air aussi solide que de la pierre. Je le brandis maladroitement au-dessus de ma tête et chargeai la montagne de muscle qui me tournait le dos. Le choc résonna jusque dans mes os, et je dû resserrer ma prise comme une forcenée sur la branche pour arrêter les tremblements de mes bras. L’homme se retourna et ricana en me voyant trembler de tous mes membres. 

- Tu n’impressionneras pas Traedos avec ça, femme ! aboya-t-il. 

Sa voix était rugueuse et âpre comme le vinaigre. Erick profita de ce moment d’inattention pour le frapper une nouvelle fois à la tête et le heaume se détacha. L’homme arborait un sourire carnassier et son regard glacial semblait pouvoir vous paralyser en un instant. Ses cheveux noirs et gras étaient retenus en une longue tresse, comme Joastin, et sa barbe en bataille recouvrait sa large mâchoire. Suivant mon instinct, je bondis en avant et le frappai à la tempe alors qu’il se retournait vers Erick. Il chancela, et j’eus l’impression que quelque chose s’évanouit dans les airs. Mon collègue souffla alors une série de mot dans une langue étrangère et de longs fils bleus sortirent de ses doigts. Ils s’insinuèrent dans le corps de Traedos par tous les orifices. L’homme hurla à la mort et son corps de convulsa en de violents spasmes. Sa chair se mit soudainement à gonfler, à tel point qu’il finit par éclater, répandant morceaux de chairs, viscères et organes, autour de l’endroit où il s’était tenu vivant quelques secondes auparavant. Je sentis du sang gicler sur mon visage et fermai instinctivement la bouche et les yeux. Le calme était revenu. Je regardai autour de moi, une lueur mordorée s’élevait des restes du soldat qui disparurent dans un voile brumeux. 

Je n’en croyais pas mes yeux. Mon esprit refusait la réalité qui était pourtant incontestable. Erick ramassa son livre et mon rejoignit, pas plus terrifié que cela. 

- J’avais créé un cercle de protection ici, la première fois que je suis arrivé dans ce monde, dit-il pour lui-même. Mais il faut croire que ce n’est plus suffisant pour les retenir. Je ne vois plus qu’une seule solution. 
- Laquelle ? demandai-je encore toute engourdie par la lutte qui s’était déroulée. 
- Détruire la source du problème, répondit-il avec hargne. 
- Et qui est… ? 
- Cardanas pardi ! A quoi penses-tu ? s’écria l’homme qui acceptait la mort si froidement. 

Je détournai le regard et contemplai la petite clairière. 

- A quoi je pense…, répétai-je encore sous le choc. A vrai dire c’est un peu confus. 

Mais Erick m’ignorait déjà et farfouillait dans son sac de voyage qui était resté quelques mètres plus loin. Il en sortit le petit carnet noir que je n’avais pas eu le temps d’examiner ; il le feuilleta à toute vitesse puis posa un doigt victorieux sur l’une des pages. Il alla se placer au centre de la clairière et commença à psalmodier d’étranges formules. L’air se rafraîchit soudainement et un vent violent s’engouffra entre les arbres et la végétation avoisinante pour tourbillonner autour d’Erick. Un éclair aveuglant me força à détourner le regard, et quand mes yeux revinrent sur lui, un trou flottait dans les airs à ses cotés, comme une plaie béante faite à l’univers. Souriant à pleine dent, il m’appela pour que je le rejoignisse. A ma grande stupeur j’obéis, et avançai dans sa direction. Il me prit solidement par les épaules et me poussa sans ménagement vers la bouche hideuse. La peur se libéra en moi, et un hurlement de terreur sortit de ma gorge tandis que je tombai dans le vide. L’espace d’un instant j’eu la sensation de flotter dans l’infini, comme un point de suspension de le temps. Puis la gravité reprit le dessus. 

La chute fût rude. Mon épaule blessée s’affaissa sous mon poids et ma tête heurta violemment le sol. Je voulus me relever mais Erick choisi ce moment-là pour me tomber dessus, me coupant le souffle et mes dernières volontés. Je fermai les yeux et ne bougeai plus. Je l’entendis grogner alors qu’il se dégageait, me soulageant de son poids. Je ne bougeai pas pour autant. Des étoiles dansaient sous mes paupières closes et un liquide coula le long de ma tempe. Mon crâne n’était que douleur, quelque chose n’allait pas. J’entendis la voix inquiète d’Erick mais ne distinguai pas ses mots. Ses mains prirent mon visage et me tournèrent la tête dans tous les sens ; je sentis qu’il étouffait un juron plus que je ne l’entendis. Il essuya le liquide qui inondait mon visage avec un morceau de tissu tout en pestant, je devais être dans un affreux état.

Et un de plus ! Je passerai à autre chose quand je penserai en avoir fait le tour... ou pas :p

vendredi 9 novembre 2012

Destins croisés - Episode 10


Nous mîmes trois heures avant d’arriver à l’orée de la forêt. La voiture refusait d’aller plus loin, expliquant qu’elle n’avait pas l’autorisation de circuler au-delà des frontières de la Cité. D’après la position du GPS nous étions encore loin de l’objectif d’Erick. Il nous faudrait plusieurs jours de marche pour y arriver. Je décidai donc d’arracher les fils du boitier de sécurité de la voiture. La voix crachota pendant quelques secondes encore son avertissement, puis le silence retomba dans l’habitacle. Je branchai le mode manuel et repris la route. Ce devait être la deuxième ou troisième fois que je dirigeais moi-même une voiture, et je n’étais pas franchement à l’aise. Nous croisâmes, deux navettes qui reliaient la Cité à ses jumelles, quelques véhicules autorisés à rouler en-dehors des frontières des Cités, puis plus rien. Sur près de trois cents kilomètres nous parcourûmes cette ancienne autoroute, encadrée par des arbres vieux de plusieurs siècles. 

Erick me fit emprunter une sortie rocailleuse qui nous mena droit dans les entrailles de la forêt. Lorsqu’il ne fût plus possible d’avancer, je coupai le moteur et déverrouillai les portières. Nous descendîmes, et inquiète je contemplai la silhouette de la forêt aux formes obscures et hostiles. Je n’avais aucune envie de rentrer là-dedans. Erick sentit ma réticence et me tira par la main pour m’entraîner à sa suite. En franchissant la barrière qui interdisait l’accès à la forêt, je me mis à le suivre d’un peu plus près, pas franchement rassurée par les bruits inconnus qui s’élevaient sur notre passage. Cette ambiance sonore ne m’était pas familière. L’homme que je suivais m’adressa un sourire d’encouragement. J’esquissai une grimace en guise de réponse et lui fit signe de ne pas s’occuper de moi. J’affronterai mes peurs, seule, comme toujours. Je ne savais pas ce qu’espérait trouver Erick dans cette forêt et je n’étais pas vraiment pressée de le découvrir. 

L’histoire de cette forêt me revint en mémoire. Quelques siècles plus tôt, les Hommes des pays dits « développés » abandonnèrent les campagnes et les petites villes pour grossirent les mégalopoles déjà existantes. Pour la toute première fois, l’exode urbain de cette période sonna la fin de la décentralisation et des campagnes comme nos sociétés les avaient connues. Cet exode urbain sonna également le début de l’ère de la dématérialisation et de la biomécanique comme l’appelèrent les historiens. Pour moi c’était plutôt le début de l’ère du grand n’importe quoi. Perte des repères, perte des valeurs, perte du sens premier de la justice. L’égoïsme humain s’en retrouva exacerbé et le monde commença à courir à sa perte. Dans un premier temps des voix s’élevèrent contre ce mode de vie absurde, mais elles se firent de plus en plus rare, et bientôt les dernières personnes qui osaient encore s’élever contre les institutions étaient prises pour des hérétiques et jetés hors des Cités. Voilà comment l’Homme procéda à la plus grande épuration de son espèce. 

Après cet exode urbain, et cette purge sans précédent la végétation reprit le dessus sur ce qu’avaient laissé les Hommes derrière eux. Des légendes urbaines racontaient que de nouvelles formes de vie s’étaient développées, des organismes vivants issus des déchets radioactifs, dotés d’intelligence supérieure. Bien sûr ce n’étaient que des légendes. Mais notre société paranoïaque était arrivée à un niveau de paroxysme tel que les gens voyaient le mal dans la moindre forme de vie. Notre société était fondée sur la peur, la méfiance et la délation. C’était ma vision des choses, et il n’était pas bien venu d’en parler ouvertement. 

Cette forêt était telle qu’on me l’a souvent décrite. Sombre et dense. Le sol meuble s’affaissait sous nos pieds et étouffait le son de notre progression. Ce n’était pas tant la forêt en elle-même qui me faisait peur, mais il y avait longtemps que je ne m’étais pas autant éloignée de La Cité et cela n’avait rien de rassurant. 

Nous parcourûmes des dizaines de kilomètres sans nous arrêter. Je n’en pouvais plus, j’avais les jambes lourdes, et la tête me tournait dangereusement. Je n’étais pas habituée aux longues marches harassantes. Néanmoins je n’avais pas l’intention de me plaindre, et je continuai à suivre mon étrange collègue, ne m’appliquant plus qu’à poser un pied devant l’autre, comme une automate.

Toujours la même série !

mardi 6 novembre 2012

Destins croisés - Episode 9


J’eus du mal à m’éveiller, mon esprit voulait rester dans cette douce torpeur qui m’enveloppait, mais mon corps ressentait le besoin de s’animer. En ouvrant les yeux, je jetai un regard hagard autour de moi ; mes cils avaient du mal à se décoller, et je battis des paupières plusieurs fois avant de retrouver une vision nette. J’étais dans mon lit, et alors que les souvenirs de la veille remontaient en moi, une douleur aiguë transperça mon épaule. J’y portais une main et sentis un bandage solidement attaché. Je n’avais donc pas rêvé. 


Tournant la tête sur le coté, je me rendis enfin compte de la présence d’Erick dans la chambre. Il s’était assoupi dans le petit fauteuil blanc qui meublait un coin de la pièce, comme surpris par le sommeil qui l’avait emporté. Sur ses genoux était disposé le livre rouge ; une de ses mains tenait fermement la couverture patinée par le temps. Il donnait l’impression de protéger une vieille relique au prix inestimable. Il avait dû veiller tard dans la nuit, car ses traits étaient tirés et il avait le teint blafard. Je décidai donc de le laisser là et repoussai mes couvertures. J’avais gardé mon jean et mes chaussettes, mais je n’avais plus mon T-shirt noir. Honteuse en pensant qu’Erick m’avait déshabillée j’attrapai une chemise dans la commode et l’enfilai rapidement. Toujours sans faire de bruit je quittai la chambre pour rejoindre la cuisine et mis la cafetière en route. J’écartais ma chemise et le bandage de mon épaule pour observer la plaie. Elle avait déjà cicatrisé en surface, mais je sentais qu’en dessous les chairs n’étaient pas entièrement refermées. J’enlevai donc le bandage pour le jeter. Il me gênait plus qu’autre chose. 

Je soupirai, quelle nuit étrange… Mon regard se perdit par la fenêtre. L’aube pointait à l’horizon entre les deux grands immeubles de la Tour des Emissions et de l’Empire Economique, pour répandre une lueur verdâtre dans les rues. Le flot de voiture grossissait lentement, et quelques passants couraient d’une voie à l’autre sous la brume de la pollution. Je n’avais jamais aimé cette Cité, tout y transpirait le stress, l’aigreur de la vie, et les effluves âcres que rejetaient les innombrables bouches d’égout. Comment avait-on pu en arriver là ? 

Du bruit derrière moi dissipa mes pensées. Erick se tenait sur le seuil de la cuisine, l’air abruti par le manque de sommeil, ses yeux bouffis étaient injectés de sang et ses cheveux ressemblaient à un champ de bataille ravagé. Il n’avait pas dû dormir plus de deux heures. 

- Tu veux du café ? lui demandai-je en tendant une tasse fumante vers lui. 

Il entra d’un pas lourd, prit la tasse et s’assit à la petite table en résine. 

- Merci. 

Il but une gorgée en silence et son regard s’égara dans le liquide noirâtre. Lorsque sa voix s’éleva ce fût d’un ton déterminé. 

- Nous ne pouvons pas rester ici. 
- Mais… 
- Eléonaure ! me coupa-t-il sèchement. Nous ne pouvons pas rester, nous devons partir. Cardanas a réussi une nouvelle fois à envoyer un de ses sbires ici. Il ne fait plus aucun doute qu’il a établi un lien permanent entre mon monde et celui-là. Le sceau n’a pas été brisé cette nuit. Il enverra d’autres soldats, et tant qu’il ne t’aura pas tuée il en sera toujours ainsi. Tu n’es plus en sécurité chez toi. 

- Ce n’est pas possible de créer des trous dans l’espace et les mondes parallèles n’existent pas, rétorquai-je butée. 

Furieux Erick se leva d’un bond et m’attrapa violemment par l’épaule. Il enfonça ses doigts dans ma chair et rouvrit la plaie qui commençait juste à cicatriser. 

- Tu me fais mal, arrête. 

J’essayai de le repousser mais il raffermit encore plus sa prise. 

- Et ça ce n’est pas réel peut-être ? cracha-t-il. 
- Si, soufflai-je. 

Il me lâcha enfin et reprit sa place devant sa tasse de café. 

- Alors le reste est réel aussi, reprit-il. Nous devons partir aujourd’hui avant qu’ils ne reviennent. 
- Je ne peux pas tout abandonner comme ça. Ce n’est pas possible. 
- Je l’ai fait il y a des années, tu devrais pouvoir y arriver si tu tiens vraiment à ta vie. 

Je hochai la tête et repartis en direction de la chambre. 

Quelques instants plus tard, nous nous tenions sur le seuil de mon appartement. Je jetai un dernier coup d’œil sur ce qu’avait été, l’espace d’un court instant, un foyer, avant de fermer la porte, définitivement. Je n’avais pas de regret, car en réalité rien ne me rattachait vraiment à cette Cité, même si un goût amer me montait à la bouche. Une fois à bord de la voiture, je demandai à Erick où il voulait aller. Je marchais comme dans un rêve. Il mentionna le nom d’une forêt éloignée de la Cité ; personne n’y avait mis les pieds depuis des décennies, cet endroit était revenu à l’état sauvage et la présence humaine n’était plus tolérée. Erick le savait pertinemment et pourtant il maintint son choix. A contre cœur j’indiquai la direction à suivre et le véhicule se mit en route. Le ciel commençait à se couvrir et de grosses gouttes s’écrasèrent sur le pare-brise.

En ce moment c'est ma période "Templier"... ^^