mardi 12 mars 2013

Destins croisés - Episode 16



*** 

Quand je revins à moi, le jour était déjà levé et on m’avait remis dans la cage. Sarizine m’aida à m’asseoir, en jetant un coup d’œil furtif à nos geôliers. Ils étaient occupés à la bonne marche du convoi et ne faisaient pas attention à nous. 

- Tu aurais pu te faire tuer, me dit-elle sur un ton de reproche. Qu’est-ce qui t’a pris de vouloir t’enfuir comme ça ? Tout le monde sait que les Enleveurs sont sans pitié. Tout ce qu’on peut espérer c’est tomber sur un Dabaïen pas trop rustre. 
- Sûrement, répondis-je en grimaçant. 

Mon corps commençait à me faire comprendre qu’il en avait marre d’être maltraité. Mais je n’avais pas envie de moisir dans cette cage. Il fallait que je trouve une autre idée pour me sortir de là. Et une meilleure idée si possible. 

Le reste de la matinée je le passai à l’écart des autres qui ne voulaient pas être mêlés à mes histoires. La douleur était insoutenable mais je n’avais pas le choix. Je devais m’en accommoder et garder les idées claires. En passant une main dans mes cheveux pour enlever le sang séché, je sentis l’épingle que je mettais pour les retenir sur les tempes. Je la fis jouer dans mes mains et me rapprochai discrètement de la porte. J’observais le mécanisme et décidai d’attendre la nuit pour passer à l’action. Même si cela faisait longtemps que je n’avais pas pratiqué cet exercice, le mécanisme paraissait simple ; je ne devrais pas rencontrer de grosse difficulté pour crocheter la serrure. 

A midi, le convoi fit une brève halte pour que les créatures puissent s’abreuver dans un ruisseau et se reposer. On nous distribua un bouillon de volaille, du pain sec et un peu d’eau. N’ayant rien avalé depuis mon dernier café chez moi, en compagnie d’Erick, je me jetai sur mon repas pour rassasier mon estomac qui criait famine. En repensant à ce dernier petit déjeuné dans mon monde, j’eus l’impression qu’une éternité s’était déroulée depuis lors. 

Le vent se leva soudainement et quelques gouttes de pluie s’écrasèrent sur le sol. En quelques minutes nous étions trempés jusqu’aux os, transis de froids. Les Enleveurs reprirent nos bols à la hâte, sans les laver, et le convoi se remit en marche. L’averse dura deux heures avant que le soleil ne reprenne sa place dans le ciel. Je bénis secrètement cette douche naturelle. Même si j’avais toujours l’impression d’être sale, la pluie avait enlevé le plus gros de la crasse et du sang. Comme les autres, je passai le reste de l’après-midi à somnoler, essayant d’oublier les multiples plaies qui tiraillaient mon corps. 

Le soir on fit à nouveau halte dans une clairière. Les Enleveurs préparèrent un grand feu et firent rôtir les lapins qu’ils avaient attrapés un peu plus tôt. Tandis qu’ils festoyaient gaiement, nous devions nous contenter du pain rassis qu’il leur restait. La bière coula à grand flot, et bientôt leurs voix s’élevèrent au dessus des arbres pour entamer des chansons paillardes. Feignant la somnolence, j’attendis tranquillement qu’un à un ils s’écroulent ivres mort, près du feu. Lorsque je fus sûre que les bras de Morphée berçaient fermement nos geôliers je fis jouer mon épingle dans la serrure de la cage. Sarizine me surprit et me poussa sur le côté. 

- Qu’est-ce que tu fais ? Tu comptes tous nous faire tuer ? murmura-t-elle. 

Je sentais plus de peur que de colère dans le ton de sa voix. Je la rassurai, en lui disant que je n’en étais pas à mon premier coup. Alors qu’elle tenta une nouvelle fois de m’en empêcher je lui fis comprendre qu’à s’agiter de la sorte c’était elle qui risquait de tirer du sommeil les hommes endormis à quelques pas de nous. Alors elle se replia sur elle-même et observa d’un œil craintif mes manœuvres. Il me fallut presque un quart d’heure avant de déjouer la serrure. Quand le cliquetis de l’ouverture se fit entendre, le reste des prisonniers s’agitèrent et ouvrirent les yeux. Je poussai doucement la porte mais ne put l’empêcher de grincer. Tout le monde retint son souffle, suspendu aux ronflements des Enleveurs. L’un d’eux renifla dans son sommeil, se retourna, puis se remit à ronfler de plus belle. Je fis signe aux hommes et femmes qui attendaient derrière moi, de sortir en silence. Quand vint le tour du dernier, les autres commencèrent à gagner les sous-bois sur la pointe des pieds, tandis que j’aidais le jeune adolescent à descendre. Maladroit pour un sous, il se prit les pieds dans le rebord de la cage et chuta lourdement au sol, faisant valdinguer le panier d’ustensile de cuisine. Tout son contenu se répandit dans un fracas assourdissant. Je le relevai et lui intimai de rejoindre les autres en courant. Avant d’en faire de même, j’attrapais une torche enflammée et mis le feu aux affaires des Enleveurs. Ces derniers émergeaient de leur sommeil de plomb, et imbibés d’alcool comme ils l’étaient, ils mirent un moment à se ressaisir. Lorsque leur chef se rendit compte que ses prisonniers se faisait la belle, il cria et s’élança à notre suite. 

Je sentais l’odeur du feu qui se répandait derrière moi et les cris rageurs des Enleveurs parvint jusqu’à mes oreilles. Les compagnons de fortunes courraient à mes cotés à perdre haleine. Leur captivité les avait rendus faible, et ils n’avançaient pas très vite. Je les encourageais du mieux que je pouvais tout en jetant un œil par-dessus mon épaule. Les geôliers commençaient à se coordonner pour nous prendre en chasse. Nous devions nous séparer pour augmenter nos chances de leur échapper. Je le fis comprendre aux autres, et nous nous dispersâmes en plusieurs groupes. 

Sarizine resta avec moi et me talonna. Trois hommes nous prirent en chasse. Affolée la jeune femme perdit ses repères et faillit faire demi tour pour courir droit dans les bras des Enleveurs. Je la rattrapai par la manche et l’emmenai derrière moi. Mais une fois de plus, les hommes avaient l’avantage car ils connaissaient la nuit mieux que nous. Au bout d’un moment ils finirent par nous rattraper et nous ceinturer. Je me débattis comme un beau diable, mordant, griffant tout ce qui me touchait. Je finis par échapper à la poigne de mon assaillant en lui balançant un coup de coude dans l’estomac. Je me relevai et repris ma course en gardant toujours un œil derrière moi. Sarizine était partie dans une autre direction, suivie par deux hommes et bientôt je la perdis de vue. Un autre poursuivant se jeta sur moi, mais j’eus le réflexe de sauter sur le coté pour l’éviter. De sa main il m’attrapa quand même le pied pour me faire chuter. Je lui envoyai un coup dans la figure qui le fit lâcher ma jambe en même temps qu’un juron. Je me relevai une nouvelle fois et détalai à l’aveuglette dans l’obscurité de la nuit.

Et un templier de plus ! J'ai des problèmes de proportions dessus, mais tant pis ! ^^'

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